Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 11 mai 2011

N° de pourvoi: 10-12875
Publié au bulletin Cassation

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 2009), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 28 janvier 2009, pourvoi n° 08-12. 649), que les époux Pierre et Simone X... ont acquis l'usufruit d'un immeuble aux Saintes-Maries-de-la-Mer et leur fils Paul la nue-propriété ; que par acte authentique du 13 avril 2001, celui-ci a consenti après le décès de son père une promesse unilatérale de vente de l'immeuble à M. Y..., qui l'a acceptée, en stipulant que Mme Simone X... en avait l'usufruit en vertu de l'acte d'acquisition et que la réalisation de la promesse pourrait être demandée par le bénéficiaire dans les quatre mois à compter du jour où celui-ci aurait connaissance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du décès de l'usufruitière ;
que par acte sous-seing privé du 7 avril 2004, Mme Z... a pris l'engagement de régulariser l'acte authentique de vente relatif à la promesse unilatérale de vente et s'est mariée le 28 avril 2004 avec M. Paul X..., qui est décédé le 25 mai 2004 ; que par acte du 31 octobre 2005, Mme Z...- X... a assigné M. Y... en annulation de la promesse unilatérale de vente ; que par lettre du 31 janvier 2006, Mme Z...- X... a notifié à M. Y... le décès de sa belle-mère usufruitière, survenu le 2 janvier 2006 ; que M. Y... a levé l'option le 17 mai 2006 ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1101 et 1134 du code civil ;

Attendu que pour dire la vente parfaite, l'arrêt retient qu'en vertu de la promesse unilatérale de vente Mme Z...- X... devait maintenir son offre jusqu'à l'expiration du délai de l'option, sans aucune faculté de rétractation ; que Mme Z...- X... ne pouvait se faire justice à elle-même et que le contrat faisant loi, elle ne pouvait unilatéralement se désengager ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE

Publication :
T. Revet, un revirement fâcheux… RTDCiv. 2011, 369
D. Mazeaud, Promesse unilatérale de vente : la Cour de cassation a ses raisons… D. 2011, 1457 ;
F. Rome, La doctrine aboie, la Cour de cassation passe, D. 2011, 1273 ;
RTDCiv 2011, 532, obs. B. Fages .
Favorable : D. Mainguy, L’efficacité de l’efficacité de la rétractation de la promesse unilatérale de contracter, D. 2011, 1460

Cour de cassation
chambre mixte
Audience publique du vendredi 26 mai 2006

N° de pourvoi: 03-19376
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 13 février 2003), qu'un acte de donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle A... un bien immobilier situé à Haapiti ; qu'une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation-partage du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M. Ruini A..., qui l'a ensuite vendue le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. B..., notaire ; qu'invoquant une violation du pacte de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu'attributaire, Mme X... a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude alors, selon le moyen :

1 / que l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à l'impossibilité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement ; qu'en dehors d'une telle impossibilité, la réparation doit s'entendre au premier chef comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, la cour d'appel a fait de l'article 1142 du code civil, qu'elle a ainsi violé, une fausse application ;

2 / qu'un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d'un immeuble à en proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analyse en l'octroi d'un droit de préemption, et donc en obligation de donner, dont la violation doit entraîner l'inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibilité ; qu'en la refusant, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ;

3 / qu'en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu'en subordonnant le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 ;

Mais attendu que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme X... avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, après avoir constaté et jugé que le pacte de préférence contenu dans l'acte de donation-partage du 18 décembre 1957 n'a pas été respecté à l'égard de Daurice Y... épouse X..., et, après avoir dit que Mme Y... épouse X... a subi un préjudice du fait de ce non-respect, dont sont responsables in solidum le vendeur, Ruini A..., l'acquéreur, la SCI Emeraude, et le notaire, Me B..., d'avoir cependant rejeté la demande de Mme Y...-X... tendant à s'entendre substituer à la SCI Emeraude dans l'acquisition de la parcelle vendue à celle-ci par Ruini A... ;

AUX MOTIFS QUE le pacte de préférence entre dans la catégorie des obligations de faire ; que l'article 1142 du code civil dispose que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ; qu'en outre, si la SCI Emeraude était censée connaître l'existence du pacte de préférence puisque les actes le contenant ont été transcrits aux hypothèques, il n'est pas démontré qu'elle savait que Mme X... avait l'intention de se prévaloir de ses droits de préférence, ni qu'elle aurait usé de manoeuvres pour l'en priver ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de la vente, qui en tout état de cause n'aurait pu aboutir à la substitution de Mme X... à la SCI Emeraude ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à l'impossibilité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement ; que, en dehors d'une telle impossibilité, la réparation doit s'entendre au premier chef comme une réparation en nature ; que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, la cour d'appel a fait de l'article 1142 du code civil, qu'elle a ainsi violé, une fausse application ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d'un immeuble à en proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analyse en l'octroi d'un droit de préemption, et donc d'une obligation de donner, dont la violation doit entraîner l'inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibiilité ; qu'en la refusant la cour d'appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ; ALORS, ENFIN, QUE, en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu'en subordonnant le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955.

Publication : Bulletin 2006 MIXT. N° 4 p. 13
D. 2006, 1861, note P.-Y. Gautier ;
2644, obs. B. Fauvarque-Cosson ;
RTDCiv. 2006, 550, obs. J. Mestre, B. Fages ;
Rev. Soc. 2006, 808, note J.-F. Barbiéri