Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 7 mai 2014

N° de pourvoi: 13-13561
Non publié au bulletin Rejet Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Aix-en-Provence, 6 décembre 2012), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Marseille (CHSCT) de l'unité économique et sociale (UES) JC Decaux a, par délibération du 29 septembre 2011, décidé du recours à une mission d'expertise pour évaluer le risque grave auquel ont été soumis les travailleurs sur un site loué par la société Decaux entre février 2009 et janvier 2010 ;

Attendu que les sociétés composant l'UES Decaux font grief à l'arrêt de valider la décision du CHSCT de recourir à un expert alors, selon le moyen :

1°/ que le risque grave constaté dans l'établissement permettant au CHSCT de faire appel à un expert doit être actuel au jour où la mesure d'expertise est ordonnée et lorsque le premier juge statue sur le recours formé par l'employeur qui s'oppose à la mesure d'expertise ; qu'il était constant en l'espèce que la société JC Decaux n'avait loué le terrain appartenant à la société SBM à des fins de stockage de mobilier urbain qu'entre février 2009 et janvier 2010, ce dont il résultait que le 29 septembre 2011, date à laquelle le CHSCT avait adopté la résolution en faveur de la désignation d'un expert aux fins d'évaluer les risques liés à la pollution du sol de ce terrain, le risque - à le supposer avéré - avait d'ores et déjà disparu, le personnel de la société JC Decaux n'étant plus en contact avec ce terrain depuis plus d'un an et demi ; que le premier juge a lui-même constaté que le risque n'était plus actuel, le site concerné n'étant plus dans le périmètre de l'établissement, au jour où il statuait le 12 décembre 2011 ; qu'en jugeant que le fait que les salariés ne soient plus exposés aux risques ne faisait pas obstacle à la mesure d'expertise ordonnée, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le terrain loué à des fins de stockage par la société JC Decaux entre février 2009 et janvier 2010 n'était pas lui-même pollué, que la deltamethrine et la cypermetrine, polluants présents dans le sol et le sous-sol des terrains adjacents ne sont pas plus dangereux que les plaquettes anti-moustiques à usage domestique et ne présentent un risque sanitaire qu'en cas d'ingestion pendant une longue période ; que même l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2010 ayant déclaré pollué le terrain litigieux dans son sol et son sous-sol, n'y prohibait que les cultures, l'exploitation de l'eau, et la réalisation de bâtiments à usage d'habitat permanent ou hôtelier et non pas la manutention à fin de stockage en surface du terrain ; que la cour d'appel a encore relevé que l'expulsion des gens du voyage installés sur ce terrain prétendument motivée par cette pollution l'avait en réalité été pour des raisons politiques ; qu'en jugeant néanmoins que cette pollution constituait un risque grave pour les quatre-vingt salariés de la société JC Decaux qui avaient été amenés à y effectuer des taches de stockage de mobilier urbain pendant une durée limitée d'un an, qui justifiait le recours à une expertise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

3°/ que pour démontrer l'absence d'exposition à un risque grave de ses salariés ayant travaillé sur le terrain pollué, la société JC Decaux faisait valoir que son médecin du travail et celui de la société SBM propriétaire du terrain avaient conclu à l'absence de danger pour les salariés ; qu'en jugeant inopérantes les conclusions de la DREAL excluant tout danger parce que cet organisme n'avait pas étudié les conditions dans lesquelles les salariés avaient été amenés à travailler sur le site litigieux, sans cependant rechercher comme elle y était invitée si les médecins du travail à qui il appartient précisément d'étudier ces conditions de travail et leurs effets sur la santé, n'avaient pas eux-mêmes exclu tout risque pour les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le site sur lequel avaient travaillé pendant près d'un an quatre-vingt salariés de la société JC Decaux avait abrité autrefois une société classée SEVESO II, spécialisée dans la formulation et le conditionnement de produits phytosanitaires pour le secteur agricole ; qu'il résultait d'un arrêté préfectoral du 14 janvier 2010 qu'une partie du site était marquée par des composés organiques volatiles et qu'y étaient prohibées toutes cultures, exploitation de l'eau, réalisation de bâtiments à usage d'habitat permanent ou hôtelier ; que l'employeur n'avait jamais informé les salariés ou le CHSCT de l'existence de ces éléments polluants, et que les documents produits par l'employeur, et notamment l'avis de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement, et l'information donnée par la société propriétaire des lieux que le terrain donné en location avait été isolé des terrains environnants constituant la zone encore polluée, ne permettaient pas d'écarter tout risque pour la santé des salariés né de l'exposition aux produits dangereux ; qu'elle a ainsi caractérisé l'existence d'un risque grave et actuel justifiant une mission d'expertise permettant de rechercher si les salariés avaient pu être exposés à un danger et dans l'affirmative quelles mesures ils devaient prendre pour l'avenir ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;