Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 12 février 2015

N° de pourvoi: 14-10947
Non publié au bulletin Rejet Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 20 novembre 2013), qu'ayant exercé son activité successivement depuis 1964, pour la société coopérative agricole du bassin de Briey, pour la société coopérative agricole de Lorraine Nord et pour la société agricole de la Meuse, désormais dénommée société EMC2, M. X... a déclaré auprès de la caisse de mutualité sociale agricole Lorraine (la caisse) une maladie prise en charge, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, au titre de la législation professionnelle en mai 2009 ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société EMC2 ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait de son activité au sein de l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la faute inexcusable de l'employeur doit être en lien de causalité avec le dommage pour que la responsabilité de ce dernier soit engagée ; qu'en se bornant à affirmer par motifs adoptés, pour décider que la société EMC2 n'avait pas commis de faute inexcusable, qu'aucun élément, notamment médical, ne permettait de supposer que la présence et la manipulation des produits stockés au sein de l'entreprise aient eu un lien causal direct avec la maladie de Parkinson qu'il a contractée par la suite, sans rechercher s'il résultait des pièces versées par M. X... aux débats pour la première fois en cause d'appel, notamment l'avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et la documentation aux termes de laquelle le lien entre l'exposition aux pesticides et la maladie de Parkinson était envisagé depuis les années 1980, l'existence d'un lien causal entre les produits stockés et cette maladie, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, L. 230-2 ancien du code du travail ;

2°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait de son activité au sein de l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le droit d'un salarié victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de son employeur d'obtenir des réparations complémentaires naît dès que le dommage a été causé ; qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le nouvel employeur est tenu d'indemniser le salarié pour la faute inexcusable commise par l'employeur précédent ; qu'en refusant néanmoins d'accorder une indemnisation complémentaire à M. X... pour faute inexcusable de son employeur, motif pris que la société EMC2 n'était pas tenue des fautes inexcusables commises par les précédents employeurs de M. X..., après avoir pourtant constaté que son contrat de travail avait été successivement transféré de la société Coopérative du Bassin de Briey à la société coopérative agricole de Lorraine Nord puis, le 9 décembre 1988, à la Société agricole de la Meuse, dénommée, par la suite, EMC2, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, L. 230-2 ancien, L. 122-12 ancien et L. 122-12-1 ancien du code du travail ;

3°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait de son activité au sein de l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, peu important la qualité de fabricant ou de distributeur de l'employeur ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter l'existence d'une faute inexcusable, qu'il n'était pas établi que la société EMC2 aurait dû avoir conscience du danger résultant d'une exposition aux produits phytosanitaires avant l'entrée en vigueur du décret n° 87-361 du 27 mai 1987, dès lors qu'elle n'était pas le fabricant mais seulement le distributeur des produits en cause, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, L. 230-2 ancien du code du travail ;

4°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait de son activité au sein de l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, peu important l'existence d'une réglementation spécifique ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter l'existence d'une faute inexcusable, qu'il n'était pas établi que la société EMC2 aurait dû avoir conscience du danger résultant d'une exposition aux produits phytosanitaires avant l'entrée en vigueur du décret n° 87-361 du 27 mai 1987, dès lors qu'aucune réglementation spécifique n'était applicable avant ce texte, sans rechercher si concrètement, la société EMC2 aurait dû avoir conscience que les produits stockés par M. X... présentait un danger, notamment par la présence sur les étiquettes des produits du terme « toxique » et du pictogramme « tête de mort », de la documentation de l'Organisation mondiale de la santé et de l'existence de directives communautaires sur ce type de produits, peu important qu'elles n'aient pas été encore transposées, de sorte qu'en n'ayant pris aucune mesure de protection pour en préserver ses salariés, la société EMC2 avait commis une faute inexcusable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, . 230-2 ancien du code du travail ;

5°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait de son activité au sein de l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, sans avoir pour autant à avoir conscience de l'ampleur de ce danger, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter l'existence d'une faute inexcusable, que la société EMC2 ne disposait pas des moyens techniques ou scientifiques lui permettant d'apprécier à sa pleine mesure la dangerosité de produits phytosanitaires, sans rechercher si la société EMC2 aurait dû avoir conscience du danger en lui-même de ces produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, L. 230-2 ancien du code du travail ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que la société EMC2 et celles ayant précédemment employé M. X... servaient d'intermédiaires auprès des agriculteurs adhérents de la coopérative pour la mise à disposition de produits phytopharmaceutiques, de sorte qu'ils étaient stockés dans l'entrepôt ou le silo dont M. X... avait la responsabilité ; que les fiches relatives à la composition et aux conditions d'utilisation de ces produits mettent en évidence leur toxicité en cas d'inhalation, d'ingestion ou de contact avec la peau ; que la plupart de ces produits sont également irritants pour la peau, pour les yeux et certains le sont également pour les voies respiratoires ; que les indications figurant sur les étiquetages de ces produits ne faisaient pas état d'un risque en cas de simple stockage sans ouverture des sacs de conditionnement ni manipulation ni mise en oeuvre des produits ; qu'il retient que la preuve n'est pas rapportée que les produits toxiques étaient stockés à l'air libre, après avoir été sortis de leurs emballages ; qu'il n'est pas établi que l'employeur a commis une faute au regard de la réglementation applicable aux conditions de stockage des produits phytosanitaires à l'époque des faits ; qu'aucun élément ne vient attester que pour la période récente correspondant à l'emploi au sein de la société EMC2, M. X... a pu être en contact avec des produits phytosanitaires en effectuant des pulvérisations ; que si la taille de l'entreprise n'était pas aussi modeste que l'ont dit les premiers juges, il n'en demeure pas moins qu'en raison de la nature de son activité de coopérative agricole, aucun élément objectif ne permet d'affirmer qu'elle disposait de moyens techniques ou scientifiques lui permettant d'apprécier à sa pleine mesure la dangerosité de produits phytosanitaires dont elle n'était pas le fabricant mais seulement le distributeur auprès des utilisateurs finaux ; qu'il ne peut donc pas lui être fait grief d'avoir omis de prendre des précautions autres que celles imposées par la réglementation alors applicable ni de n'avoir pas su anticiper le retrait du marché d'un certain nombre de produits dangereux ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations et alors que le transfert du contrat de travail ne permet pas à lui seul de mettre à la charge du dernier employeur de la victime les obligations nées de la faute inexcusable des employeurs précédents, la cour d'appel a pu décider, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, que la société ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, de sorte qu'aucune faute inexcusable ne pouvait lui être reprochée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;