Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 11 décembre 2014

N° de pourvoi: 13-20177

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. X..., responsable depuis 1982, au sein d'un groupement agricole d'exploitation en commun, de la culture de céréales a utilisé pour les besoins de son activité des produits phytopharmaceutiques contenant du benzène ; qu'il a présenté un syndrome myéloprolifératif, diagnostiqué en 2002, qui a été pris en charge au titre du tableau n° 19 des maladies professionnelles agricoles ; que par requête du 1er juin 2011, M. X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de cette pathologie ;

...

Sur le premier moyen :

Attendu que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de M. X... recevable, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions propres à la prise en charge des maladies professionnelles au titre de la protection sociale excluent l'application de celles relatives à l'indemnisation des victimes d'infractions ; qu'en jugeant recevable la demande d'indemnisation de M. X... cependant qu'elle a relevé que le dommage dont celui-ci demandait réparation avait été pris en charge au titre du tableau n° 19 de la liste des maladies professionnelles agricoles, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

2°/ que le dommage qui résulte de l'exposition à un produit phytosanitaire, qui constitue la réalisation d'un risque sanitaire, n'a pas vocation à être pris en charge au titre du régime d'indemnisation des victimes d'infraction ; qu'en jugeant recevable la demande de M. X... tendant à l'indemnisation d'un dommage résultant, selon lui, d'une exposition au benzène contenu dans les pesticides qu'il utilisait dans le cadre de son activité, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Mais attendu que les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions sont applicables aux exploitants agricoles victimes d'une maladie professionnelle lorsque les faits invoqués revêtent le caractère matériel d'une infraction imputable à un tiers au sens de l'article L. 752-23 du code rural et de la pêche maritime ; que les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale ne distinguent pas suivant que ces faits concernent ou non un risque sanitaire ;

Et attendu qu'ayant constaté que les infractions invoquées par M. X... étaient imputables aux producteurs des produits phytopharmaceutiques litigieux, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intéressé était éligible au dispositif d'indemnisation des victimes d'infractions ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 112-1 du code pénal, les articles L. 253-15 à L. 253-17 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-840 du 15 juillet 2011, l'article 1er du décret n° 2012-757 du 9 mai 2012 abrogeant l'article R. 253-83 du code rural et de la pêche maritime et l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu'il résulte des deux suivants que l'incrimination du défaut d'étiquetage des produits phytopharmaceutiques, anciennement prévue à l'article 11 de la loi du 2 novembre 1943 a été supprimée ;

Attendu que pour déclarer recevable la requête de M. X..., l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que la règle selon laquelle la loi pénale plus douce est d'application immédiate ne joue pas devant la CIVI ; et que la mise en vente, tant avant qu'après 1999, des produits phytopharmaceutiques incriminés est constitutive de l'infraction visée à l'article 11 de la loi du 2 novembre 1943 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 12 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer recevable la requête de M. X... et retenir que les faits revêtent le caractère matériel de l'infraction de blessures involontaires, l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que l'absence d'indication sur les étiquettes produites de la date de commercialisation du produit ne fait pas obstacle à ce que soit retenue une infraction à l'encontre des fabricants ; que ces documents se rapportent très vraisemblablement aux derniers produits que M. X... a utilisé avant qu'il ne développe sa maladie ; que l'absence de mention sur les emballages comme sur les fiches de données de sécurité d'une substance hautement dangereuse pour l'homme, comme le benzène et des risques particuliers en résultant, en violation de l'arrêté interministériel du 6 septembre 1994, constitue un manquement à une obligation se sécurité imposée par le règlement ;

Qu'en statuant ainsi par un motif hypothétique concernant la date de commercialisation des produits litigieux, alors que le respect par le fabricant d'un produit phytopharmaceutique de ses obligations en matière d'étiquetage devait s'apprécier au regard de la réglementation applicable au moment de sa mise en circulation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;