Cour d'appel Pau Chambre 2, section 1
12 Juillet 2010

N° 3198/ 10, 08/00826
X / Y
Classement : Inédit
Contentieux Judiciaire
S.A.S. LA PIZZERIA C/ Bernard F., S.A.R.L. REINE V.

APPELANTE : S.A.S. LA PIZZERIA représentée par son Président en exercice
INTERVENANTE VOLONTAIRE S.A.R.L. J.
INTIMES : Monsieur Bernard F. né le 21 Octobre 1946 à [...] de nationalité Française
S.A.R.L. REINE V.

Le 9 janvier 2004, Monsieur Bernard F. et Mademoiselle Fleur F. ont cédé par acte sous seing privé de cession d'actions à Monsieur Jean-Jacques L., agissant pour le compte de la SARL J. la totalité des parts de la SAS LA PIZZERIA.
Cette société a pour objet social l'exploitation d'un restaurant/Pizzeria sis à [...] laquelle avait été donnée en location gérance par acte du 18 mai 1998 à une société LA TRATTORIA. Par acte du même jour, le contrat de location gérance a été résilié à effet du 12 janvier 2004. La cession des parts a été réalisée moyennant un prix total de 925.000 euro.

Dans la convention de cession d'actions signée le 8 janvier 2004 une clause de non-concurrence a été prévue à l'article 7 ainsi libellée : « Le cédant, tant en son nom personnel qu'au nom de ses ayants droits dont il se porte fort, s'interdit, pendant une durée de cinq années à compter de la date de la réalisation définitive de la présente cession, d'exploiter sur la commune de Biarritz, directement ou indirectement, un fonds de commerce de la nature de celui présentement exercé par la Société et les Filiales et de s'intéresser, directement ou indirectement, à une exploitation de cette nature, même à titre de simple commanditaire ou salarié, à peine de tous dépens et dommages et intérêts et sans préjudice du droit qu'auraient la cessionnaire ou ses ayants cause de faire cesser la contravention. »

Estimant qu'il y avait eu violation de cette clause par Monsieur Bernard F. et concurrence déloyale par la SARL REINE V., la SAS LA PIZZERIA les a assigné devant le Tribunal de Commerce de Bayonne aux fins d'obtenir notamment des dommages et intérêts.

Le jugement rejette les demandes de La Pizzéria
Par jugement du 3 mars 2008, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure antérieure, le Tribunal de Commerce de Bayonne a :
- reçu les parties en leurs demandes fins et conclusions,
- débouté la SAS LA PIZZERIA de ses demandes en responsabilité article 1134 du code civil , à l'égard de Monsieur Bernard F. comme irrecevable et juridiquement mal fondées,
- débouté la SAS LA PIZZERIA de ses demandes à l'encontre de la SARL REINE V. en raison de l'interdépendance des deux actions,
- condamné la SAS LA PIZZERIA à payer à Monsieur Bernard F. et à la SARL REINE V. la somme de 800 euro à chacune des parties au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
- rejeté comme inutiles ou non fondées toutes autres demandes contraires des parties,
- condamné la SAS LA PIZZERIA aux entiers dépens.

Argument des appelants :
La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. intervenante volontaire considèrent
en premier lieu que l'action de la SAS LA PIZZERIA à l'encontre de Monsieur Bernard F. est recevable puisqu'elle n'est pas un tiers au contrat de cession de parts. Elle bénéficie d'une stipulation de Monsieur Bernard F. à son profit. La commune intention des parties, exprimée dans l'acte constitue un engagement de la part de Monsieur Bernard F. de ne pas concurrencer dans des conditions précisées au contrat le fonds de commerce de la SAS LA PIZZERIA. Il est évident, que Monsieur Bernard F. ne doit pas porter atteinte à l'activité commerciale de la SAS LA PIZZERIA et non à l'activité de la SARL J. qui est une société de gestion du patrimoine.
De plus, la convention de cession d'actions du 9 janvier 2004 demeure une situation de fait opposable par des tiers.
Cette action est également recevable à l'encontre de la SARL REINE V..
La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. font remarquer que ce débat est dépourvu d'objet en raison du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bayonne le 11 mai 2009. Le Tribunal de Commerce a estimé qu'il existe manifestement une relation de connexité au sens de l' article 103 du code de procédure civile entre le litige dont la Cour est saisie et celui initié par la SARL J.. Le Tribunal de Commerce s'est dessaisi au profit de la Cour d'Appel de Pau, raison pour laquelle se trouvent à la procédure la SAS LA PIZZERIA, la SARL J., Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V..

En second lieu, la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. considèrent que Monsieur Bernard F. n'a pas respecté la clause de non-concurrence contractuellement prévue. Ainsi, au début du mois de juin 2006, Monsieur L. a appris que la Pizzeria 'le Majestic' avait été cédée à la SARL REINE V., société dont la gérante est une de ses anciennes employées, Madame Fernande DOS S.. Monsieur L. a eu la conviction que l'acquisition du fonds de commerce de cette pizzeria avait été en fait financée par Monsieur Bernard F.. Il a été, ainsi constaté, que Monsieur Bernard F. avait effectué lui-même des travaux de rénovation dans cet établissement. La Pizzeria le Majestic a ouvert officiellement le 14 juillet 2006. Monsieur Bernard F. était présent quotidiennement dans cet établissement et a procédé lui-même aux achats de fournitures auprès de la société Promocash. Les éléments du dossier permettent d'établir que Monsieur Bernard F. participe activement à l'exploitation du restaurant le Majestic. Le comportement coupable de Monsieur Bernard F. se déduit des éléments de faits rapportés à la procédure.
Par ordonnance présidentielle du 31 août 2006, la SAS LA PIZZERIA a été autorisée à poursuivre ses investigations dans les lieux litigieux, à savoir tout local dépendant du restaurant le Majestic. Par ordonnance présidentielle du 13 septembre 2006, la SAS LA PIZZERIA a été autorisé à se faire remettre les documents comptables du restaurant le Majestic.
Les éléments recueillis ont permis d'établir la réalité de la violation de la clause de non-concurrence commise par Monsieur Bernard F..

La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. soutiennent en troisième lieu que la SARL REINE V. a eu des comportements relevant de la concurrence déloyale. Madame Fernande DOS S. gérante, savait parfaitement qu'elle participait à une activité constituée et exploitée de façon irrégulière. Elle savait que son compagnon Monsieur Bernard F. avait une clause de non-concurrence à respecter et qu'il ne pouvait travailler pour elle. Trois salariés de la SAS LA PIZZERIA ont été engagés par la SARL REINE V.. Le débauchage a été organisé en pleine saison au mois de juillet 2006. Ces éléments ont impliqué une réelle désorganisation de la SAS LA PIZZERIA.
Le départ de Madame Fernande DOS S. de chez son ancien employeur la SAS LA PIZZERIA, qui était un cadre permanent au contact du public depuis de nombreuses années et sa reprise d'activité dans une autre pizzeria, à quelques centaines de mètres de distance, induit un détournement de clientèle, cela par les relations tissées avec celle-ci au fil du temps.
La SARL REINE V. exploite un restaurant pizzeria dont la décoration intérieure ressemble étrangement à celle du restaurant exploité par la SAS LA PIZZERIA. Ainsi, le client peut avoir le sentiment non pas d'être attiré par une entreprise concurrente mais par un nouvel établissement d'une même société, l'impact visuel de celui-ci laissant à penser qu'il s'agit d'une même entité juridique. Le financement de la SARL REINE V. n'a pu être réalisé par Madame Fernande DOS S., sachant que son compagnon Monsieur Bernard F. était propriétaire de 99% de la société vendue. Malgré l'ordonnance du magistrat de la mise en état, aucune communication de pièce relative au remboursement du prêt n'a été faite. L'opacité de la situation est totale. La SARL REINE V. n'explique pas comment elle peut rembourser le prêt.
Ces agissements ont causé un préjudice important, tant matériel que moral.

Demandes des appelants
La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et :
- de dire et juger que Monsieur Bernard F. a engagé sa responsabilité contractuelle sinon quasi délictuelle en violant la clause de non-concurrence contenue dans l'acte de cession d'actions du 9 janvier 2004,
- de dire et juger que la SARL REINE V. a engagé sa responsabilité délictuelle en commettant des actes caractérisant une concurrence déloyale, permettant et facilitant par ailleurs, en toute connaissance de cause, la violation de la clause de non-concurrence et en se livrant à des actes de parasitismes commerciaux,
- de condamner in solidum, Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à leur verser la somme de 700 000 euro outre intérêts de droit à compter de l'Arrêt à intervenir,
- de condamner in solidum, Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à leur verser la somme de 50.000 euro au titre du préjudice moral, à titre subsidiaire,
- de faire droit à l'intervention volontaire de la SARL J. en cause d'appel,
- de condamner solidairement Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. au paiement de la somme de 700.000 euro outre intérêts de droit à compter de l'Arrêt à intervenir, outre la somme de 50.000 euro au titre du préjudice moral,
- de condamner in solidum Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à verser à la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. la somme de 6.000 euro à chacune d'entre elle au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
- de les condamner solidairement aux dépens d'instance, en ce compris les frais inhérents aux ordonnances présidentielles rendues les 9, 31 août et 13 septembre 2006 ainsi que l'ensemble des procès-verbaux effectués sur ces autorisations et d'autoriser la SCP LONGIN DUPEYRON MARIOL à les recouvrer selon les formes de l' article 699 du code de procédure civile .
Monsieur Bernard F. rappelle pour mémoire que la SAS LA PIZZERIA avait saisi le juge des référés, ce qui a donné lieu à une ordonnance de référé du 22 février 2007 qui a retenu la contestation sérieuse. Cette ordonnance n'a pas été frappée d'appel. Monsieur Bernard F. demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de la SAS LA PIZZERIA irrecevables.

Arguments des intimés
Du fait de la régularisation de la procédure et de l'intervention de la SARL J., Monsieur Bernard F. répond de façon infiniment subsidiaire au fond.
Monsieur Bernard F. estime qu'il y a un renversement de la preuve dans la mesure où il doit établir qu'il n'a pas participé au financement de la SARL REINE V.. Il reconnaît entretenir des liens affectifs avec Madame Fernande DOS S. avec laquelle, il n'est cependant ni marié, ni pacsé, ni concubin, ni associé.
En fait Madame Fernande DOS S. n'étant pas satisfaite de son travail avec son nouvel employeur a décidé de le quitter et a estimé de son droit de créer sa propre affaire en rachetant un établissement existant. Elle a été suivie par des employés de la SAS LAPIZZERIA qui comme elle, estimaient n'avoir plus leur place dans leurs nouvelles conditions de travail. Monsieur Bernard F. soutient qu'il ne peut rien à cette situation.

Il fait observer qu'au moment où il lui est fait grief d'une violation de la clause de non-concurrence, c'est-à-dire en 2006, date à laquelle Madame Fernande DOS S. a acquis le Majestic, le chiffre d'affaires de Monsieur L. n'a pas baissé mais a connu une progression spectaculaire de 31% d'augmentation qui s'est poursuivie par la suite.

Les affirmations et les accusations de la SAS LA PIZZERIA ne sont pas établies et sont sujettes à caution. Elles reposent sur un postulat non démontré et contesté à savoir le fait que Monsieur Bernard F. aurait financé l'acquisition faite par la SARL REINE V.. Il existe dans cette affaire un certain nombre de particularités connues par la SAS LA PIZZERIA et la SARL J.. Monsieur Bernard F. rappelle que l'attestation de l'expert comptable de la SARL REINE V. du 5 janvier 2009 fait ressortir qu'il ne compte pas parmi les associés de la SARL REINE V., qu'il ne dispose pas de compte courant d'associé, qu'il ne dispose d'aucun compte que ce soit, que la SARL REINE V. n'a jamais obtenu le moindre financement de sa part, ni l'inverse, que la SARL REINE V. ne l'a jamais compté parmi ses employés ouvriers ou cadres, qu'aucune transaction financière économique, comptable ou autre n'a jamais été faite avec lui, que la société n'a jamais détenu de compte pour autrui et donc pour lui, que la société ne lui verse ni salaire, émolument, honoraires, remboursement de frais, dividendes ou autres.
Il estime ne pas être obligé de cesser toutes relations avec Madame Fernande DOS S. sa compagne. Sa présence dans le restaurant n'a rien d'anormal. Il se retrouve au restaurant avec les amis de son club dans le cadre de deux Associations. Il a été salarié d'une entreprise de bâtiment, depuis 2006, il est salarié dans un restaurant à Bayonne. Il se rend à promocash à titre personnel et pour le compte du restaurant dans lequel il travaille à Bayonne. Il est occupant dans la résidence Majestic d'un local de 100 m2 moyennant une indemnisté de 400 euro par mois depuis le 1er juillet 2006.
En réalité la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. lui font un mauvais procès. Les accusations faites à son égard son absurdes.
Il n'y a aucun préjudice bien au contraire. Les pièces fournies par les appelants sont critiquables. Il présente une demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
Il demande à la Cour de débouter la SAS LA PIZZERIA de toutes ses prétentions et de la condamner à lui verser la somme de 200.000 euro pour procédure abusive et vexatoire, la somme de 5.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL REINE V. soulève l'exception de connexité et de litispendance. Elle demande que l'intervention de la SARL J. soit écartée. Une telle manoeuvre tendrait à substituer l'appelant à un intervenant volontaire devant la Cour.
La SARL REINE V. estime que la convention n'est pas opposable à la SAS LA PIZZERIA. Aucune demande ne saurait être accueillie en vertu de l'exécution d'un contrat auquel une partie n'est pas. En vertu de cette convention, la SAS LA PIZZERIA n'a pas intérêt à agir. Les arguments avancés relatifs à une quelconque concurrence déloyale sont péremptoirement avancés sans preuve et sans lien entre elles. Une condamnation solidaire n'est pas recevable. Les ordonnances présidentielles obtenues par la SAS LA PIZZERIA ont porté atteinte aux droits de sa défense.
La SARL REINE V. verse aux débats les documents certifiés conformes par le notaire instrumentaire qui démontrent que Madame Fernande DOS S. a fait appel à sa banque pour acquérir le Majestic, le reste étant versé par des fonds propres dont elle a justifié l'origine.
Pour qu'il y ait concurrence déloyale, pratiquée par un ancien cédant, il faut démontrer que celui-ci à un intérêt quelconque à une opération concurrente. Monsieur Bernard F. n'a aucun intérêt. Les ordonnances rendues sont tout à fait irrégulières. Les conditions dans lesquelles cette affaire a été présentée sont rocambolesques et relèvent d'une mystification tout à fait surprenante et désagréable. Le postulat du demandeur consiste à démontrer que Monsieur Bernard F. est en fait l'animateur principal de la SARL REINE V., le financier, l'organisateur etc ..... avec beaucoup d'astuces, la SAS LA PIZZERIA mêle sans référence les constatations tour à tour de l'huissier et du détective privé ainsi que le mélange de déclarations retenues par l'huissier ou attestations quelconques. Cette pratique est inacceptable. Elle dénature le débat et l'administration de la preuve.

La SARL REINE V. estime qu'il convient de se reporter aux pièces qui ne peuvent faire l'objet d'aucune contestation possible.
Madame Fernande DOS S. démontre au niveau des documents que les statuts de la société ne portent aucun associé au nom de Monsieur Bernard F.. Cette société n'a aucun prêteur de deniers de quelque nature que ce soit du même nom. La société a emprunté auprès de la banque. Elle justifie qu'après son divorce, elle a pu vendre un immeuble au Portugal, rapatrier des fonds en 2006 ce qui lui a permis de réaliser ses ambitions professionnelles à savoir l'acquisition d'un restaurant. Les pièces demandées par la SAS LA PIZZERIA ne permettent pas d'accréditer sa thèse, bien au contraire au vu des pièces fournies par la SARL REINE V..
Les pièces versées par la SAS LA PIZZERIA ont été obtenues par des voies anormales. Les démarches effectuées par les huissiers n'ont aucune validité authentique. Il s'agit d'actes ayant force jusqu'à preuve contraire, preuve qui peut être apportée par tout moyen. Les déclarations de Monsieur Carlos G. T. ne peuvent être retenues compte tenu du contexte très particulier. Il n'est pas douteux qu'il ait voulu se venger de Madame Fernande DOS S..
Il est constant que Monsieur Bernard F. a eu des relations avec Madame Fernande DOS S.. Il est naturel qu'il se soit rendu à la pizzeria puisque son amie s'investissait dans une opération importante. Ces éléments ne constituent pas en soi, un acte de concurrence déloyale. Il n'y a pas eu de création d'activité nouvelle puisque cette pizzeria est très ancienne et réputée. C'est le comportement de Monsieur Jean L. qui a amené un certain nombre de salariés à partir. Ces salariés ont été contraints, compte tenu de l'attitude de Monsieur Jean L. de s'adresser au Conseil de Prud'hommes. Il n'y a pas eu de débauchage du personnel. La SAS LA PIZZERIA a échoué dans l'administration de la preuve. Aucune manoeuvre de concurrence déloyale n'est rapportée. Le chiffre d'affaires de l'appelant a doublé par rapport à la cession. La SARL REINE V. demande à la Cour de dire que l'intervention de la SARL J. est irrégulière et non fondée, de condamner la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. à lui payer la somme de 2.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile et pour le surplus de débouter la SAS LA PIZZERIA pour défaut de qualité à agir, de dire que la SAS LA PIZZERIA n'apporte pas la preuve de ses affirmations et de la débouter purement et simplement, à titre reconventionnel de condamner la SAS LA PIZZERIA à lui payer 2.000 euro au titre de l' article 700 du code de procédure civile et 10.000 euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux entiers dépens. Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l' article 455 du code de procédure civile , la Cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.

Sur ce
Sur la recevabilité de l'action de la SAS LA PIZZERIA et de la SARL J.
Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. soutiennent tout d'abord que l'action de la SAS LA PIZZERIA est irrecevable, cette dernière n'ayant pas intérêt à agir. Pour la SARL REINE V., il n'y a pas litispendance et connexité. C'est la première juridiction seule qui est compétente pour examiner la demande de la SARL J., sinon, cette manoeuvre tendrait à substituer en définitive l'appelant à un intervenant volontaire devant la Cour, ce qui est inadmissible.

Les parts sociales de la SAS LA PIZZERIA ont été vendues par Monsieur Bernard F. (99/100) à Monsieur L., pour le compte de la SARL J.. Cette société a été constituée le 17 décembre 2003 pour acquérir les actions de la SAS LA PIZZERIA. La SARL J. détient la totalité des parts de la SAS LA PIZZERIA. Il apparaît à la lecture de la convention de cession de parts, que même si la SAS LA PIZZERIA ne figure pas au rang des signataires de la convention, en fait la SAS LA PIZZERIA est représentée dans cette convention par la SARL J. puisqu'il est précisé que le prix des parts inclus le coût d'acquisition du matériel de la SAS LA PIZZERIA enseigne LA TRATTORIA. En outre, la SAS LA PIZZERIA a été représentée en fait, au moment de la signature de la convention puisque 100 % de parts ont été cédées par les vendeurs à l'acquéreur la SARL J., qui a acheté dans les mêmes proportion les dites parts.
Par la clause de non-concurrence figurant au contrat, il ressort que Monsieur Bernard F. ne devait pas porter atteinte à l'activité commerciale de la SAS LA PIZZERIA et non à l'activité de la SARL J. qui est une société de gestion de patrimoine.
En tout état de cause, le Tribunal de Commerce qui avait été saisi d'une assignation de la SARL J. à l'égard de Monsieur Bernard F. et de la SARL REINE V. a considéré par jugement du 11 mai 2009 qu'il existait une manifeste relation de connexité au sens de l' article 103 du code de procédure civile entre le litige dont la Cour était saisie et celui initié par la SARL J. et s'est dessaisi au profit de la Cour d'Appel de Pau. Il est évident que le Tribunal de Commerce de Bayonne et que la Cour d'Appel de Pau ont à apprécier un même litige et que c'est à juste titre qu'en application des articles 102 et suivants du code de procédure civile , le Tribunal de Commerce s'est dessaisi au profit de la Cour d'Appel de Pau. La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. ont un intérêt commun à agir. Leur action est recevable.

- Sur la violation de la clause de non-concurrence par Monsieur Bernard F.
Dans la convention de cession d'actions signée le 9 janvier 2004 une clause de non-concurrence a été prévue à l'article 7 ainsi libellée : ' Le cédant, tant en son nom personnel qu'au nom de ses ayants droits dont il se porte fort, s'interdit, pendant une durée de cinq années à compter de la date de la réalisation définitive de la présente cession, d'exploiter sur la commune de Biarritz, directement ou indirectement, un fonds de commerce de la nature de celui présentement exercé par la Société et les Filiales et de s'intéresser, directement ou indirectement, à une exploitation de cette nature, même à titre de simple commanditaire ou salarié, à peine de tous dépens, dommages et intérêts et sans préjudice du droit qu'auraient la cessionnaire ou ses ayants cause de faire cesser la contravention.'
La SAS LA PIZZERIA a été autorisée par ordonnances présidentielles des 9 août 2006, 31 août 2006 et 13 septembre 2006, à faire pratiquer diverses investigations.
Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. ont contesté cet acharnement procédural à leur encontre, ce qui a conduit, selon eux, la SAS LA PIZZERIA à se livrer à des actions non contradictoires.
Pour la SARL REINE V., ces autorisations ont été obtenues dans des conditions illégales et selon des explications 'vaseuses' et des affirmations tout à fait infondées. Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. n'ont cependant pas usé de leur faculté d'en référer au juge qui a rendu les ordonnances comme cela est prévu à l' article 496 du code de procédure civile .
Le premier procès-verbal de constat établi à la suite de la première ordonnance présidentielle le 14 août 2006 fait notamment ressortir le présence active de Monsieur Bernard F. dans le restaurant le MAJESTIC qui va et vient dans la cuisine, avec souvent des ustensiles dans la main donnant des ordres aux personnels que ceux-ci exécutent immédiatement. A un moment, il semble étudier la caisse, puis se dirige à nouveau vers la cuisine. Lorsque l'huissier intervient, il découvre Monsieur Bernard F., occupé à secouer deux poêles dans lesquelles cuisent des pâtes. Lors de l'intervention de l'huissier, il disparaît immédiatement vers une pièce contiguë.
Le second procès-verbal des 2 et 5 septembre 2006 fait principalement ressortir que le 2 septembre à 18H05, Monsieur Bernard F. s'affaire en cuisine et qu'à la vue de l'huissier il s'enfuit par l'arrière cuisine. L'huissier rapporte dans son procès-verbal que Monsieur R., aide cuisinier et Monsieur Patrice M. cuisinier, 'après s'être regardés mutuellement me répondent prudemment : Monsieur F. ne travaille pas, mais il vient tous les jours et quand je leur demande ce que fait Monsieur Bernard F. quand il vient, Monsieur M. répond ; il regarde et Monsieur R. ajoute, il surveille.'
L'huissier dans son procès-verbal a décrit l'intérieur du restaurant et a pris des photos des lieux. Il précise que le 5 septembre 2006 à 16H30 s'est présenté Monsieur W. Carlos lequel a déclaré spontanément : 'Je suis pizzaïolo, je travaille tous les soirs. C'est Bernard qui me donne le travail que j'ai à faire et qui contrôle les pizzas que je prépare et que je cuis. Lui, il est toujours là en permanence, il fait la cuisine et Fernande est dans la salle et en caisse. C'est lui qui m'a donné ma paye et mon salaire du mois de juillet.'
Dans une sommation interpellative du 31 août 2007 Monsieur Gaspare S. a déclaré 'je suis employé de la SARL REINE V. depuis le 4 avril 2007. Je suis plongeur et pendant mon service Monsieur Bernard F. est en cuisine où il travaille.'
Dans une sommation interpellative du 31 août 2007 Monsieur Carlos G. T. a indiqué que Monsieur Bernard F. était présent tous les jours en cuisine, comme il était présent avant l'ouverture pendant la période des travaux préalables car il suivait le chantier, c'est lui qui a choisi les couleurs bleues, les vitraux, les tablettes, les éclairages. Selon ce témoin, Monsieur Bernard F. voulait créer la même atmosphère qu'il avait crée à la TRATTORIA. Il a également précisé que c'est Monsieur Bernard F. qui payait les fournitures ainsi que du matériel avec sa propre carte bleue et lui remettait son bulletin de salaire.

Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. contestent formellement ces éléments de preuve. Monsieur Bernard F. et Madame Fernande DOS S. rappellent qu'ils sont ensemble depuis plusieurs années, que la présence de Monsieur Bernard F. sur les lieux s'explique facilement et notamment par le fait qu'il prépare des repas pour les membres des Associations dont il fait partie, ainsi que ses propres repas végétariens que Monsieur Bernard F. a un local dans l'immeuble, qu'il n'est pas salarié de la SARL REINE V. ... Ils remettent formellement en cause les déclarations de Monsieur G. T. s'agissant d'un personnage peu fiable comme en font foi les attestations qu'ils versent aux débats et qui a des comptes à régler avec la gérante.
Il résulte toutefois, au vu des éléments fournis par les sociétés demanderesses, que l'attitude de Monsieur Bernard F., qui s'est enfui plusieurs fois à la vue des huissiers est quelque peu étrange, si comme il le soutient, il ne faisait que préparer son repas personnel végétarien où cuisinait des repas pour les membres des Associations dont il fait partie et s'il n'avait rien à se reprocher. Il a, au contraire, manifesté un comportement très actif dans le restaurant de sa compagne, comportement relevé par les huissiers et par les témoignages versés. Il est ainsi établi qu'entre juin 2006 et août 2007, il s'est intéressé directement ou indirectement, sur la commune de Biarritz à l'exploitation du MAJESTIC, et qu'il a violé la clause de non-concurrence prévue contractuellement pour une durée de cinq ans soit jusqu'en janvier 2009 et ce, par sa présence active en cuisine constatée par l'huissier, et par le choix de la décoration dont les similitudes avec son ancien restaurant sont flagrantes.

La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. estiment également que Monsieur Bernard F. serait à l'origine du financement du MAJESTIC. Cependant, aucun élément du dossier ne permet d'établir ce point.

- Sur la concurrence déloyale de la SARL REINE V.
Il est constant que Madame Fernande DOS S., gérante de la SARL REINE V. était parfaitement au courant de la clause de non-concurrence qui existait à l'encontre de Monsieur Bernard F., son compagnon de vie, même s'ils ne sont pas concubins. La soeur de Madame Fernande DOS S. a indiqué le 2 septembre 2006 à l'huissier de justice : 'Je suis V. Maria, la soeur de Fernande et je fais tout ici, Monsieur Bernard F. vient quotidiennement. Il sait qu'il ne doit pas travailler, c'est pour ça que je suis ici.'
Il apparaît au vu des procès-verbaux d'huissier précités et du procès-verbal du 24 novembre 2006 destiné à rapporter la description du restaurant 'LA TRATTORIA', que les deux établissements présentent de grandes similitudes, et que la SARL REINE V. a fait réaliser des travaux de décoration intérieure qui reprennent à l'identique la décoration de l'établissement exploité par la SAS LA PIZZERIA. Il est ainsi possible de retenir, les panneaux de faïences peintes de couleur bleue, la verrière décorée de motifs floraux polychromes au plafond, la mosaïque du four à pizza identique, les entourages peint de couleur bleu ciel etc..... En outre, Madame Fernande DOS S. a quitté son employeur la SAS LA PIZZERIA au mois de juillet 2006, où elle avait un statut de cadre. Elle ne s'est plus présentée sur son lieu de travail et lors de la sommation interpellative du 24 juillet 2006 elle a déclaré : 'je ne travaille plus à la TRATTORIA. J'ai acheté le 'Majestic' dont je suis la gérante. J'ai donné verbalement, devant témoins, ma démission à Monsieur L., gérant de la TRATTORIA. Un rendez-vous doit être fixé prochainement avec Monsieur L. pour régler cette situation'.
La liste du personnel remise à l'huissier le 10 octobre 2006 fait ressortir que trois salariés de la SAS LA PIZZERIA ont été embauchés par la SARL REINE V. : Madame Sylvie C., Monsieur Carlos G. S., Monsieur Carlos G. T.. Ces personnes ont été embauchées au 1er et au14 juillet 2006, c'est-à-dire à l'ouverture de la pizzeria le MAJESTIC exploitée par la SARL REINE V..
Si l'embauche de salariés précédemment employés par un concurrent direct n'est pas en soi un acte condamnable, il convient en revanche d'examiner les circonstances du départ et de la nouvelle embauche. Ainsi, le débauchage de trois salariés de la SAS LAPIZZERIA puis le réembauchage immédiat de ces trois salariés par la SARL REINE V., est déloyal dans la mesure où il intéressait des salariés qui par leur statut et leur compétence impliquait nécessairement une désorganisation importante de la SAS LA PIZZERIA, puisque quatre salariés dont Madame Fernande DOS S. ont quitté la SAS LA PIZZERIA à la même période, en juillet 2006, période particulièrement importante dans la restauration à Biarritz
En revanche, les arguments avancés par la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. sur le financement supposé de Monsieur Bernard F. pour l'achat du MAJESTIC ne sont pas fondés, au vu des éléments versés.
Il y a lieu de considérer, qu'en choisissant une décoration très proche du restaurant LA TRATTORIA et en embauchant trois salariés précédemment employés par la SAS LA PIZZERIA, à laquelle s'est ajoutée la démission brutale de Madame Fernande DOS S., gérante de la SARL REINE V., la société en cause a commis des actes de concurrence déloyale.

- Sur les conséquences financières
La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. réclament 700 000 euro au titre du préjudice financier et 50 000 euro au titre du préjudice moral. Elles estiment que les actes commis par Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. ont entraîné une perte de clientèle. La violation de la clause de non-concurrence implique de facto une perte de clientèle. Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. du fait de la seule présence de Monsieur Bernard F. et de Madame Fernande DOS S. n'ont pas eu d'effort à fournir pour réactiver leur capacité personnelle d'attraction de la clientèle. Le prix du fonds vendu par Monsieur Bernard F. était très important en raison de la clientèle générée par son activité dans ces lieux pendant trente ans d'exercice. L'activité conjointe de Monsieur Bernard F. et de la gérante, laquelle était salariée de la SAS LA PIZZERIA, où elle avait un poste important avec le public, ont participé au détournement de cette clientèle. La SAS LA PIZZERIA et la SARL J. versent aux débats une analyse comptable effectuée par la Société AUDIT FINANCES JPA pour justifier le montant de leurs réclamations.

Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. considèrent pour leur part qu'il n'y a eu aucun préjudice. Ils font observer qu'au moment où Madame Fernande DOS S. a acquis le Majestic, non seulement le chiffre d'affaires de la SAS LA PIZZERIA n'avait pas baissé mais a connu, au contraire, une progression spectaculaire de 31 % pour se positionner à 1.113.435 euro augmentation qui s'est poursuivie en 2007 à hauteur de 1.307.812 soit 18 % de plus par rapport à l'année précédente. Ce n'est qu'à ce moment-là que Monsieur L. va saisir la justice se prétendant lésé.

Or, un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, ou de non-respect de la clause de non-concurrence puisque de tels actes sont générateurs d'un trouble commercial, même si ce préjudice au regard des pièces versées apparaît toutefois limité financièrement, d'autant plus que le Majestic existait déjà à Biarritz avant son rachat par la SARL REINE V.. Il convient en conséquence, de condamner in solidum Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à payer à la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. la somme de 60.000 euro au titre du préjudice économique.
En revanche, s'agissant de sociétés, ni la SAS LA PIZZERIA, ni la SARL J. ne peuvent prétendre à un quelconque préjudice moral. La demande présentée de ce chef par ces deux sociétés n'est pas fondée. Il convient de la rejeter.

- Sur les demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur Bernard F. et par la SARL REINE V.
Monsieur Bernard F. qui succombe à ses prétentions doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire non fondée. Il en sera de même pour la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL REINE V., laquelle succombe également.

- Sur l' article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. qui succombent doivent être déboutés de leur demande au titre de l' article 700 du code de procédure civile et seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais inhérents aux ordonnances présidentielles rendues les 9, 31 août et 13 septembre 2006 ainsi que l'ensemble des procès-verbaux effectués sur ces autorisations par la SCP B. P. T..
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. l'intégralité des frais engagés . Il convient de leur allouer à chacune une indemnité de 3.000 euro sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .

Par ces motifs La Cour,
Statuant publiquement, par Arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement entrepris en date du 3 mars 2008,
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Bayonne du du 11 mai 2009 ,
Déclare l'appel de la SAS LA PIZZERIA et l'intervention volontaire de la SARL J. recevables,
Dit que Monsieur Bernard F. a violé la clause de non-concurrence prévue dans l'acte de cession d'actions du 9 janvier 2004,
Dit que la SARL REINE V. a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SAS LA PIZZERIA et la SARL J.,
Condamne in solidum Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à payer à la SAS LA PIZZERIA et la SARL J. la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique subi,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Déboute Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. de leurs demandes au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
Condamne in solidum Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. à payer à la SAS LA PIZZERIA et à la SARL J., chacune, la somme de 3.000 euro sur le fondement de l' article 700 de Code de procédure civile ,
Condamne in solidum Monsieur Bernard F. et la SARL REINE V. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais inhérents aux ordonnances présidentielles rendues les 9, 31 août et 13 septembre 2006 ainsi que l'ensemble des procès-verbaux effectués sur ces autorisations par la SCP B. P. T.,
Autorise la distraction au profit de la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués, conformément à l' article 699 du code de procédure civile