N° de pourvoi : 02-84136
Inédit
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en
date du 24 avril 2002, qui, dans la procédure suivie contre Dominique
C... des chefs d'infractions au Code de la construction et de l'habitation et
d'infractions au Code des assurances, a prononcé sur les intérêts
civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 et
1850, de l'article L. 231-6 du Code de la construction et de l'habitation, des
articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances et des articles 2 et 593
du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a limité la réparation du préjudice
des époux Z... et des époux X... aux sommes respectivement de
1 524,49 euros et 3 084,98 euros à titre de dommages-intérêts
pour préjudice moral ;
"aux motifs que Dominique C... poursuivi en qualité de gérant
de la SARL Développement Immobilier devant le tribunal correctionnel
de Troyes pour, d'une part, avoir entrepris la construction des pavillons de
Saïd Z..., de Mme B... et des époux X... sans avoir obtenu la garantie
de livraison définie à l'article L. 231-6 du Code de la construction
et de l'habitation, d'autre part avoir entrepris les travaux du pavillon des
époux X... sans avoir souscrit comme convenu au contrat des assurances
dommage ouvrage, a été déclaré coupable des délits
ci-dessus et a été condamné à 3 mois d'emprisonnement
avec sursis ;
que, sur les demandes d'indemnisation formées par les parties civiles,
le tribunal a considéré que celles-ci ne pouvaient devant la juridiction
pénale obtenir la condamnation de Dominique C... à leur payer
le montant de la créance qu'elles estimaient détenir contre la
SARL Développement Immobilier et qu'elles ont pour certaines déclarées
dans la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 20 avril 1998
contre ladite société par le tribunal de commerce de Troyes ;
que le tribunal correctionnel a considéré que seul le préjudice
distinct de cette créance et résultant directement de l'infraction
soit un préjudice moral pouvait être accordé, à savoir
10 000 francs pour les époux Z..., 15 000 francs pour les époux
B... et 20 000 francs pour les époux X..., outre pour chacune des parties
civiles 1 5000 francs au tire de l'article 475-1 du Code de procédure
pénale ; que les parties civiles appelantes maintiennent être recevables
et fondées à réclamer devant la juridiction pénale
la réparation des dommages tels que demandés en première
instance et qui résultent directement des infractions dont Dominique
C... a été jugé coupable ; que les époux Z... font
ainsi valoir que si la garantie de livraison à prix et délai convenus
avait été souscrite par le gérant de la société
constructrice, l'organisme garant aurait pris le relais et aurait en tout état
de cause supporté les conséquences financières du retard
par rapport au délai contractuel ; qu'ils réclament 50 000 francs
de préjudice matériel, 10 000 francs pour le retard et 20 000
francs de préjudice moral soit au total la somme de 80 000 francs (12
195, 86 euros) et une, indemnité de 15 000 francs (2 286, 74 euros) au
titre des frais irrépétibles d'appel s'ajoutant aux 1 500 francs
accordés par le tribunal ; que les époux B... réclament
27 441 euros à titre de dommages-intérêts et 1 200 euros
au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que
les époux X... évaluent à 180 000 francs leur préjudice
consistant en la perte de la somme versée au titre de la situation 1,
l'impossibilité de louer leur appartement de novembre 1998 à décembre
1999, la nécessité d'assurer eux-mêmes sans assurance dommage
ouvrage, la maîtrise d'oeuvre de leur pavillon ainsi que les dommages
moraux soit 28 383,13 euros outre 2 286, 74 euros au titre des frais irrépétibles
d'appel s'ajoutant à l'indemnité allouée par le tribunal
à confirmer ; que Dominique C... pour sa part souligne sur les dommages
argués par Saïd Z... que les acomptes versés étaient
inférieurs aux travaux réalisés et que le règlement
des sous-traitants n'a pas préjudicié à l'intéressé
qui n'a subi aucun supplément de prix, sur ceux des époux B...
que ceux-ci auraient pu se voir réclamer compte tenu de l'avancement
des travaux, 60 % du coût total de la construction de 663 000 francs,
ce qui ne fut pas le cas, seuls 265 000 francs ayant été réglés,
sur ceux des époux X... qu'il pouvait leur être réclamé
au titre des fondations achevées 25 % du montant du marché, le
constructeur n'ayant jamais réclamé les 5 % qui pouvaient l'être
lors de la signature du contrat ;
qu'appelant incident, il conclut au débouté de toutes
les demandes des parties civiles, que la Cour fait siens les motifs pertinents
par lesquels les premiers juges ont écarté les réclamations
des parties civiles contre le gérant de la société en liquidation
judiciaire en tant qu'elles concernaient l'exécution des contrats souscrits
avec la personne morale ; il ne s'agit pas de dommages résultant directement
des infractions dont a été déclaré coupable Dominique
C... auquel, devant la juridiction pénale, il ne pouvait être réclamé
que la réparation du préjudice d'ordre moral comme retenu et évalué
à bon droit par le tribunal ;
"1°/ alors qu'un tiers doit indemniser les conséquences de l'inexécution
d'un contrat dès lors qu'il s'est rendu complice de son inexécution
; qu'en écartant la réparation des chefs de préjudice autre
que moral des parties civiles au motif qu'ils ne concernaient que l'inexécution
des contrats souscrits avec la personne morale, bien que Dominique C... ait
pu, en sa qualité de tiers, se rendre complice de l'inexécution
par la société Développement Immobilier, la cour d'appel
a violé les textes susvisés ;
"2°I alors qu'un dirigeant social engage sa responsabilité civile
personnelle lorsque par sa faute personnelle détachable de ses fonctions,
il a rendu impossible l'exécution du contrat souscrit par la société
qu'il dirige ; qu'en affirmant que les dommages des parties civiles consécutifs
au défaut de souscription des assurances obligatoires résultaient
de l'inexécution des contrats souscrits avec la personne morale, sans
rechercher si Dominique C..., gérant de la SARL Développement
Immobilier, condamné pour défaut de souscription des assurances
obligatoires, n'avait pas, ce faisant, commis une faute personnelle détachable
de ses fonctions de gérant qui était la cause de l'inexécution
par la société qu'il dirigeait de ses engagements contractuels,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés ;
"3°I alors que le défaut de souscription d'une assurance obligatoire
est susceptible de causer un préjudice à la personne qui aurait
dû en bénéficier ; qu'en affirmant que seul le préjudice
moral résultait directement des infractions imputées à
Dominique C..., sans rechercher, si par sa faute personnelle, celui-ci Dominique
C... n'avait pas privé les propriétaires de la sécurité
procurée par l'assurance en prévision de sinistres dont ils avaient
dû assumer la charge et ne leur avait pas fait perdre une chance sérieuse
d'indemnisation et ainsi directement causé un préjudice indemnisable,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés" ;
Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de cet article, l'action civile en réparation du
dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient
à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé
par l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la liquidation
judiciaire de la société Développement Immobilier a été
ouverte avant qu'elle ait mené à bien les contrats de construction
de maisons individuelles qu'elle avait conclus avec les parties civiles ; que
son gérant, Dominique C..., a été, notamment, déclaré
coupable, en application de l'article L. 241-8 du Code de la construction et
de l'habitation, d'avoir entrepris l'exécution des travaux sans avoir
obtenu la garantie de livraison définie à l'article L. 231-6 dudit
Code ;
Attendu que les parties civiles ont demandé que le prévenu soit
condamné à leur payer des dommages et intérêts représentant,
outre leur préjudice moral, celui résultant notamment des dépenses
supplémentaires qu'elles ont dû exposer pour achever les travaux
;
Attendu que, pour limiter la réparation mise à la charge de Dominique
C... au seul préjudice moral, les juges énoncent que le préjudice
matériel dont les parties civiles demandent réparation ne résulte
pas directement de l'infraction, mais de l'inexécution des contrats souscrits
avec la société ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'infraction commise a causé
un préjudice direct aux parties civiles en les privant de la garantie
de livraison prévue par la loi, la cour d'appel a méconnu le texte
susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE