N° de pourvoi : 01-00543
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2000), que le
trésorier principal du 18e arrondissement de Paris et le receveur principal
des Impôts Grandes Carrières Sud (les créanciers), ont fait
pratiquer des saisies conservatoires au préjudice de la société
La Locomotive (la société) entre les mains du Crédit lyonnais
(la banque) ; qu'après avoir indiqué à l'huissier de justice
que les soldes des comptes de la société étaient créditeurs,
la banque a informé les créanciers, qu'après imputation
des opérations en cours, le solde effectivement saisi était égal
à 0 franc ; que les créanciers saisissants ont alors demandé
à un juge de l'exécution de condamner la banque au paiement de
dommages-intérêts, en soutenant qu'elle avait sciemment fourni
des réponses inexactes à l'issue de la période de régularisation
des comptes ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée
coupable de déclarations inexactes ou mensongères et de l'avoir
condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts,
alors, selon le moyen :
1 / que la sanction prévue à l'article 238 du décret du
31 juillet 1992 ne vise que la déclaration initiale du tiers saisi faite
à l'huissier de justice, laquelle doit comporter les renseignements prévus
à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, et non la seconde déclaration
qui intervient à la fin de la régularisation des opérations
; qu'en appliquant à la déclaration finale la sanction prévue
uniquement pour la déclaration initiale, la cour d'appel a violé
les articles 47 de la loi du 9 juillet 1991 et les articles 237 et 238 du décret
du 31 juillet 1992 ;
2 / que l'allocation de dommages-intérêts est subordonnée
à la preuve d'une faute du tiers saisi ; qu'en condamnant la banque à
verser des dommages-intérêts au trésorier principal et au
receveur principal sans avoir caractérisé de faute à son
encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992 ;
3 / que la banque faisait valoir que si en principe la remise à l'encaissement
de chèques s'entend de sa présentation en chambre de compensation,
en matère de traitement des effets bancaires par les comptables des impôts,
dès lors que le chèque est remis directement à la caisse
du comptable, la date du paiement doit être considérée comme
étant la date de remise matérielle du chèque et qu'en l'espèce,
la présentation à l'encaissement des chèques était
antérieure aux premières saisies ; qu'en affirmant péremptoirement
que les chèques ont été présentés à
l'encaissement, c'est-à-dire pour compensation à la Banque de
France, postérieurement au 20 novembre 1998, soit après les deux
saisies, sans rechercher si la présentation à l'encaissement ne
pouvait pas être antérieure à la présentation en
chambre de compensation de la Banque de France, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard de l'article 47 de la loi
du 9 juillet 1991 ;
4 / que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant
eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ;
qu'en retenant l'existence d'un préjudice moral subi par le Trésor
public bien que ni le trésorier ni le receveur principal n'ait soutenu
avoir subi un tel préjudice, la cour d'appel a modifié les termes
du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile
;
5 / qu'une réparation peut être allouée que pour autant
qu'un dommage existe et qu'elle ne doit être ni inférieure ni supérieure
au dommage ; que le fait pour l'administration des Impôts de mettre en
oeuvre une enquête administrative et d'engager une action en justice n'est
pas à l'origine d'un préjudice moral réparable ; que l'Etat,
personne morale de droit public, ne peut subir de ce chef un préjudice
moral ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les
articles 238 du décret du 31 juillet 1992 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la banque a fourni aux créanciers
des renseignements inexacts voire frauduleux, dans le cadre des opérations
de régularisation prévues à l'article 47 de la loi du 9
juillet 1991 ; que c'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel,
qui a ainsi caractérisé la faute de la banque, tenue de satisfaire
à son obligation légale de renseignements, lorsqu'elle procède
à la déclaration résultant de l'application du dernier
alinéa de l'article précité, a souverainement apprécié
l'existence du préjudice en résultant ;
Et attendu que la remise des chèques à l'encaissement s'entend
de la remise des chèques faite à l'établissement bancaire
et non au bénéficiaire desdits chèques ; qu'en retenant
que neuf chèques ont été présentés à
l'encaissement, c'est-à-dire présentés pour compensation
à la Banque de France postérieurement aux deux premières
saisies et qu'ils ne peuvent donc affecter le solde rendu indisponible par celle-ci,
la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
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Publication : Bulletin 2003 II N° 40 p. 35