Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 11 janvier 2005 Cassation partielle
N° de pourvoi : 02-12370
Inédit
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Barbara que sur le pourvoi incident relevé par la BNP Paribas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'afin que sa filiale, la société Depailler prestige, obtienne de la BNP Paribas, du Crédit du Nord, du Crédit commercial de France et de la banque Hervet les concours financiers importants dont elle avait besoin, la société Barbara a établi, le 19 décembre 1995, au profit de chacune de ces banques une lettre d'intention dans laquelle elle déclarait s'engager à faire "tout le nécessaire" pour que la société Depailler prestige dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face aux obligations souscrites ; qu'entre le 25 juin et le 29 juillet 1997, les quatre établissements de crédit ont notifié à la société Depailler prestige la rupture des crédits à durée indéterminée qu'ils lui accordaient avec des préavis variant de trente à soixante jours ; que la société Depailler prestige a déclaré la cessation de ses paiements le 4 septembre 1995 puis a été déclarée en redressement judiciaire ; que les banques ont assigné la société Barbara en paiement des sommes qu'elles estimaient leur être dues en exécution de l'engagement souscrit par l'intéressée cependant que celle-ci mettait reconventionnellement en cause leur responsabilité pour avoir interrompu abusivement leurs concours respectifs ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Barbara fait grief à l'arrêt
de l'avoir condamnée à payer aux banques les sommes que celles-ci
lui réclamaient alors, selon le moyen, que les obligations nées
d'une lettre d'intention sont seulement de moyens si leur auteur refuse expressément
de se substituer au débiteur ; qu'ainsi, en énonçant qu'elle
était tenue d'une obligation de résultat, après avoir cependant
constaté qu'elle avait refusé l'obligation de substitution qui
lui était proposée, et que l'obligation contractée était
distincte d'une obligation de substitution, la cour d'appel a violé les
articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si la société Barbara
avait exprimé clairement la volonté de ne pas souscrire un cautionnement
en s'engageant à se substituer au débiteur principal en cas de
carence de celui-ci, elle avait cependant reconnu fermement devoir faire tout
le nécessaire pour que la société Depailler prestige dispose
d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à ses
obligations ; qu'en déduisant de cette formulation que la société
Barbara s'était obligée à l'obtention d'un résultat,
la cour d'appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait
l'exacte application ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la BNP Paribas fait grief à l'arrêt d'avoir jugé
la société Barbara recevable à invoquer la responsabilité
des banques alors, selon le moyen, que le préjudice que celle-ci invoquait,
qui résultait de la perte de la part de marché qu'elle occupait
dans le secteur de la grande distribution et le chiffre d'affaires qu'elle réalisait
à ce titre, se traduisait uniquement par la perte de sa participation
dans le capital de sa filiale, préjudice qui n'était que le corollaire
du dommage causé à la société Depailler prestige,
de sorte qu'elle était irrecevable en sa demande ; qu'en décidant
le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil
et L. 621-39 du Code de commerce ;
Mais attendu que, dans ses conclusions, la société Barbara
faisait valoir qu'elle avait subi un préjudice moral et qu'en
l'absence d'interruption des concours dont bénéficiait la société
Depailler prestige et du redressement judiciaire qui en avait été
la conséquence, les engagements qu'elle avait souscrits en se portant
caution de sa filiale auprès du Crédit national ainsi que dans
ses lettres d'intention n'auraient pas été mis en jeu ;
qu'ayant ainsi justifié d'un préjudice personnel consistant notamment
dans une perte de chance de ne pas avoir à exécuter ses engagements
lequel était distinct de celui lié à sa perte de participation
dans le capital de la société Depailler prestige et en relation
de causalité avec les fautes imputées aux banques, la cour d'appel
qui a jugé l'action recevable, n'encourt pas le grief du moyen ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
:
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 60 de la loi du 24 janvier
1984 devenu l'article L. 313-12 du Code de commerce ;
Attendu que pour exclure toute faute des banques du fait de la rupture de leurs
concours respectifs, l'arrêt, après avoir retenu qu'elles n'avaient
pas agi de mauvaise foi, énonce que celles-ci avaient notifié
leurs décisions à la société Depailler Prestige
en respectant les préavis d'usage ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, à supposer
qu'aucun délai contractuel de préavis n'ait été
stipulé, quel était, en l'espèce, compte tenu notamment
de l'importance des crédits en cause, le délai convenable pour
que le client puisse trouver de nouveaux banquiers, la cour d'appel n'a pas
donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE