Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 16 décembre 2010
N° de pourvoi: 09-69216
Non publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 23 juin 2009), que M. X...,
employé depuis le 11 février 1992 par les laboratoires UPSA devenus
la société Bristol Myers Squibb qui produisent des pulvérulents
médicaux, a développé un asthme dont le caractère
professionnel a été reconnu le 12 avril 2005 ; qu'après
avoir mis en mouvement l'action publique par une plainte qui a abouti le 28
août 2006 à une ordonnance de non-lieu, l'intéressé
a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître
la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande,
alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié,
l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité
de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles
contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués
ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation
a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou
aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé
le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour
l'en préserver ; qu'en se fondant sur le motif inopérant que les
poussières ne se trouvaient pas quantité excessive au regard des
normes en vigueur dans l'entreprise alors que l'existence même de ces
normes et leur respect par l'employeur établissent la conscience qu'il
avait de la dangerosité des poussières, la cour d'appel n'a pas
tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres
constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, ensemble l'article
L. 230-2 devenu les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code
du travail, et les articles L. 461-1 et L. 452-2 du code de la sécurité
sociale ;
2°/ qu'a conscience du danger qu'il fait courir au salarié, l'employeur
qui a déjà été confronté à des syndromes
similaires ; que la rareté de leur fréquence, au regard du nombre
important de salariés, n'exonère nullement l'employeur mais souligne
au contraire que, compte tenu de son importance, de son organisation, de la
nature de son activité et des travaux auxquels étaient affectés
les salariés, l'employeur avait nécessairement conscience du danger
; qu'en se fondant sur la circonstance que « seuls six cas d'allergie
ont été recensés sur plus de mille employés »
pour considérer que l'affection d'origine professionnelle contractée
par le salarié ne pouvait résulter de la faute inexcusable d'une
entreprise multinationale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences
qui s'évinçaient de ses constatations, en violation de l'article
1147 du code civil, ensemble l'article L. 230-2 devenu les articles L. 4121-1
à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du travail, et les articles L. 461-1
et L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que la circonstance tirée de ce que le médecin du travail
n'aurait pas, dans le cadre de l'examen annuel du salarié, préconisé
à l'employeur un poste particulier pour le salarié, est sans influence
sur la conscience qu'avait l'employeur du danger auquel il exposait son salarié
; qu'en se fondant sur l'absence de préconisations particulières,
mentionnées sur les fiches de visites annuelles du médecin du
travail, concernant le salarié, pour en déduire que l'employeur
n'avait pas commis de faute inexcusable, alors que cette circonstance est inopérante,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 230-2 devenu les articles
L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du travail, et les articles
L. 461-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
4°/ qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur
ait été la cause déterminante de l'accident survenu au
salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour
que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même
que d'autres fautes auraient concouru au dommage, et l'éventuelle faute
de la victime n'ayant pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité
qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable ; que seule une faute inexcusable
de la victime qui s'entend d'une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité
exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû
avoir conscience, peut exonérer l'employeur ; qu'en se fondant sur «
la très forte susceptibilité aux poudres propre au salarié
» et sur le fait que le salarié avait tellement « peur de
perdre son emploi » « qu'il a exprimé au médecin du
travail qu'il ne souhaitait pas de certificat de restriction », la cour
d'appel n'a nullement caractérisé l'existence d'une faute inexcusable
imputable au salarié – à supposer même qu'elle ait
caractérisé un agissement fautif du salarié qui avait peur
de perdre son emploi – et elle ne pouvait donc exonérer l'employeur
de la responsabilité qui lui incombe de plein droit, en raison de son
obligation de sécurité de résultat ; qu'en statuant comme
elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil,
ensemble l'article L. 230-2 devenu les articles L. 4121-1 à L. 4121-5
et L. 4522-1 du code du travail, et les articles L. 461-1 et L. 452-2 du code
de la sécurité sociale ;
5°/ que le fait que l'employeur satisfasse à son obligation de reclassement
ne retire rien à sa faute inexcusable antérieure par laquelle,
ayant pourtant conscience du danger auquel le salarié était exposé,
il l'a néanmoins laissé contracter une affection dont l'origine
professionnelle est définitivement reconnue ; que, dans le reste de sa
motivation, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance inopérante
que l'employeur aurait reclassé le salarié sur un autre poste,
en 1998, dès qu'il a eu connaissance de l'affection dont souffrait le
salarié, pour en déduire qu'il n'avait pas commis de faute inexcusable
auparavant, depuis l'embauche du salarié en 1995 jusqu'aux premières
manifestations de la maladie contractée en 1998 ; qu'en statuant ainsi,
par des motifs qui ne permettent nullement d'évincer la faute inexcusable
commise par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code
civil, ensemble l'article L. 230-2 devenu les articles L. 4121-1 à L.
4121-5 et L. 4522-1 du code du travail, et les articles L. 461-1 et L. 452-2
du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'une part, que l'exposition
aux poudres de médicaments n'était pas objectivement dangereuse
et que la pathologie de M. X... n'est consécutive qu'à la très
forte sensibilité qui lui est propre, d'autre part, que des poussières
ne se trouvaient pas en quantité excessive au regard des normes en vigueur
au sein de l'entreprise ; qu'il retient que l'employeur a affecté l'intéressé
à un poste qui n'était pas exposé aux poudres dès
qu'il a été informé par le médecin du travail des
restrictions d'aptitude du salarié ;
Que de ces constatations et énonciations qui procèdent de son
pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée
des éléments de preuve débattus devant elle, la cour d'appel
a pu déduire que l'employeur ne pouvait ni n'aurait dû avoir conscience
du risque encouru avant d'être informé de la prédisposition
du salarié à la pathologie considérée, de sorte
que la faute inexcusable n'est pas établie ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;