Conseil d'État

N° 341604
ECLI:FR:CESJS:2013:341604.20130801
Inédit au recueil Lebon
4ème sous-section jugeant seule
lecture du jeudi 1 août 2013


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet 2010 et 18 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mareyeurs des Côtes de France, dont le siège est Boulevard des Armaris, case n° 1, Marché de Gros de Sainte-Musse à Toulon (83100) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA02450 du 11 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0702750 du 13 mars 2008 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement annulant la décision du 28 décembre 2006 de l'inspecteur du travail du Var confirmant l'avis du 11 octobre 2006 du médecin du travail relatif à l'inaptitude médicale de Mme B...A... ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...
1. Considérant, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un congé de maladie, Mme A...qui exerçait des fonctions d'aide-comptable au sein de la société Mareyeurs des Côtes de France a été déclarée définitivement inapte à tout emploi dans l'entreprise par le médecin du travail au motif qu'elle ne devait pas travailler en étant exposée au froid ; que, par décision du 28 décembre 2006, l'inspecteur du travail a confirmé l'avis du médecin du travail ; que, par décision du 23 mars 2007, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, après avoir constaté que l'employeur avait mis fin, sur avis du médecin du travail, à l'exposition au froid, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 28 décembre 2006 ; que, par un jugement du 13 mars 2008, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande d'annulation de la décision ministérielle du 23 mars 2007 ; que, par un arrêt du 11 mai 2010, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la société ; que cette dernière se pourvoit régulièrement en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 122-24-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, devenu article L. 1226-2 de ce code : " A l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (...). " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 alors en vigueur, devenu article L. 1226-2 : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail, après avis du médecin-inspecteur du travail " ; qu'en vertu de l'article R. 241-51 du même code, devenu article R. 4624-24, l'examen de reprise du travail a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures... " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications ; qu'une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical ; qu'elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié ; que le législateur a ainsi entendu définir entièrement les règles de motivation qui s'appliquent aux décisions du médecin du travail et, le cas échéant, de l'inspecteur du travail se prononçant sur l'aptitude d'un salarié à la reprise de son poste à la suite d'une maladie ou d'un accident non professionnel ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en jugeant qu'il appartient à l'inspecteur du travail, lorsqu'il se prononce au titre de l'article L. 241-10-1 du code du travail, de préciser les motifs pour lesquels il ne propose aucune mesure individuelle, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit ; qu'elle n'a pas non plus dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'un aménagement du poste de la salariée permettant à cette dernière d'exercer ses fonctions de comptable sans être exposée au froid était possible ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Mareyeurs des Côtes de France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Mareyeurs des Côtes de France est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Mareyeurs des Côtes de France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...A....

 

Conseil d'Etat
statuant
au contentieux

N° 254000
lecture du mercredi 3 décembre 2003

Vu le recours, enregistré le 6 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 décembre 1999 annulant la décision du 22 juin 1998 de l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Rouen II confirmant l'inaptitude au poste de conducteur de poids lourds de M. Hervé X ;

...
Considérant que l'article L. 122-32-4 du code du travail prévoit qu'à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail due à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire s'il y est déclaré apte par le médecin du travail ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 122-32-5 du même code : Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise (...) un autre emploi approprié à ses capacités (...) ; qu'enfin, le dernier alinéa de l'article L. 241-10-1, qui est applicable lorsque le médecin du travail apprécie l'aptitude du salarié à reprendre un emploi approprié en application des articles L. 122-32-4 et L. 122-32-5 précités du code du travail, dispose que en cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail, après avis du médecin-inspecteur du travail ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 122-32-5 du code du travail que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications ; qu'une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en ouvre dans le respect du secret médical ; qu'elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié ;

Considérant toutefois que le législateur a ainsi entendu définir entièrement les règles de motivation qui s'appliquent aux décisions du médecin du travail et, le cas échéant, de l'inspecteur du travail se prononçant sur l'aptitude d'un salarié à la reprise de son poste à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; que, par suite, ces décisions sont soumises, en matière de motivation, aux seules prescriptions de l'article L. 122-32-5 du code du travail, à l'exclusion de l'application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en se fondant sur la méconnaissance de ces dernières dispositions pour censurer la décision litigieuse du 22 juin 1998 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Rouen II, saisi par M. X, a déclaré ce dernier inapte à reprendre son poste de conducteur de poids lourds dans l'entreprise SARL Lecoq ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision contestée devait comporter les considérations de fait propres à éclairer l'employeur et le salarié sur les tâches que ce dernier serait susceptible d'exercer dans l'entreprise ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour justifier sa décision du 22 juin 1998, l'inspecteur du travail s'est borné à faire référence à l'avis du médecin-inspecteur du travail ; que cet avis ne comporte pas plus d'indications de fait que la décision contestée ; qu'ainsi, cette dernière ne respecte pas les prescriptions de l'article L. 122-32-5 du code du travail ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 30 décembre 1999, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 22 juin 1998 de l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Rouen II ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 28 novembre 2002 est annulé.

Article 2 : Le recours présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER devant la cour administrative d'appel est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à M. Hervé X.