Conseil d'État

N° 360723
ECLI:FR:CESSR:2014:360723.20140205
Inédit au recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies


lecture du mercredi 5 février 2014

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 27 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST), dont le siège est 12, impasse Mas à Toulouse (31000) ; le Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST) demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 11116 du 3 mai 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, d'une part, annulé la décision n° C.2010-2483 et C. 2010-2524 du 21 septembre 2010 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France a infligé à Mme B...A...la peine du blâme et, d'autre part, rejeté sa plainte et celle du conseil départemental de la Ville de Paris ;

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1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., médecin psychiatre, a été chargée comme consultante par un organisme commandité par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Renault, ainsi que le permet l'article L. 4614-12 du code du travail, de participer à une mission d'expertise à la suite de plusieurs suicides ou tentatives de suicide survenus entre 2004 et 2006 dans un site de cette société ; qu'à la suite de la présentation orale qu'elle a faite devant les membres du CHSCT puis des proches et des collègues des personnes décédées de l'analyse de cas de suicides qu'elle avait étudiés, le comité départemental de l'ordre des médecins de Paris, saisi d'une plainte du syndicat requérant pour violation du secret médical, a transmis celle-ci à la juridiction disciplinaire en s'y associant ; que le syndicat requérant se pourvoit contre la décision attaquée ayant annulé la sanction infligée au praticien par la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France dans sa décision du 21 septembre 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : " Le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne " et qu'aux termes de l'article R. 4127-4 du même code : " Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. / Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris " ; que le secret institué par ces dispositions ne couvre pas seulement les données à caractère médical d'un patient mais couvre également toute information de caractère personnel relative à ce dernier, qu'elle ait été confiée au praticien par le patient ou que le praticien l'ait vue, entendue ou comprise dans le cadre de son exercice ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la chambre disciplinaire nationale ne pouvait, sans erreur de droit, se fonder sur ce que l'identité des personnes décédées, qui avait été dévoilée lors des comptes-rendus, était nécessairement connue de leurs proches ainsi que des membres du CHSCT et sur ce que la présentation des cas de suicide à laquelle il avait été procédé devant le CHSCT ne contenait aucun renseignement d'ordre médical mais seulement des mentions relatives à la vie personnelle des personnes décédées ainsi qu'à leurs réactions dans certaines situations, pour en déduire que le secret médical n'avait pas été violé ;

4. Considérant que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de la décision du 3 mai 2012 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande Mme A...sur leur fondement soit mise à la charge du syndicat requérant, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 3 mai 2012 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST), à Mme B...A..., au conseil départemental de la ville de Paris et au Conseil national de l'ordre des médecins.