Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 11 mars 2014
N° de pourvoi: 13-13852
Non publié au bulletin
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 novembre 2012),
que Mme X... a été opérée en 2006 d'une arthroplastie
totale de la hanche gauche, que le 29 juin 2007, la tête céramique
de l'implant s'est fissurée, rendant nécessaire une nouvelle intervention
en urgence, suivie d'une hospitalisation, que, sur la base d'un rapport d'expertise,
la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents
médicaux et des infections nosocomiales (CRCI) Rhône-Alpes a considéré
que cet accident médical ouvrait droit à indemnisation au titre
de la solidarité nationale par l'Office national des accidents médicaux,
des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), que ce
dernier ayant opposé un refus, Mme X... l'a assigné en indemnisation
;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches
:
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes,
alors, selon le moyen :
1°/ que dans sa rédaction, issue de la loi du 4 mars 2002, applicable
au litige, l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose que
« lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement,
service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est
pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène
ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices
du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de
la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à
des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour
le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé
comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent
un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié
au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences
sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment
compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité
temporaire de travail » ; que, dans sa rédaction antérieure
au décret du 19 juin 2011, applicable au litige, l'article D. 1142-1 du
code de la santé publique prévoit qu'« un accident médical,
une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également
le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1
lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant
de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection
nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou
à six mois non consécutifs sur une période de douze mois
» ; qu'il en résulte que le caractère de gravité des
conséquences dommageables, nécessaire pour ouvrir droit à
indemnisation, peut résulter soit de l'incapacité permanente subie
si elle atteint le taux fixé, soit de l'incapacité temporaire de
travail, si la durée de cette incapacité est au moins égale
à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs
sur une période de douze mois ; qu'aucune autre condition que celle de
durée n'est prévue s'agissant du déficit fonctionnel temporaire
; que la cour d'appel a constaté que la durée de l'incapacité
temporaire était acquise en l'espèce pour une durée totale
de neuf mois sur une période douze mois ; qu'en énonçant
néanmoins, pour débouter Mme X... de sa demande en indemnisation,
que si les dispositions réglementaires prennent en compte la durée
de l'incapacité temporaire, elles ne déterminent pas l'importance
qui doit être appréciée au regard des dispositions de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique et de la mission de l'ONIAM, en
charge de la solidarité nationale dont le propre est de secourir les patients
qui n'ont pas d'autre recours et dont les conditions d'existence ont été
temporairement ou durablement bouleversées, la cour d'appel a ajouté
aux textes une condition qui n'existe pas, en violation des articles L. 1142-1
et D. 1142-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors
applicable ;
2°/ que lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement,
service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est
pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène
ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices
du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de
la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à
des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour
le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé
comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent
un caractère de gravité, fixé par décret ; que la
condition d'« anormalité » des conséquences préjudiciables
de l'accident, distincte de celle de « gravité » de ces conséquences,
s'apprécie au regard du seul état de santé antérieur
du patient et de son évolution prévisible, sans égard à
l'intensité du préjudice définitif subi par la victime du
fait de l'accident ; qu'en retenant, pour exclure tout droit à indemnisation
de Mme X..., que le résultat de l'arthroplastie après la fracture
n'était pas très éloigné du résultat initial,
de l'absence d'intensité suffisante de la décompensation psychiatrique
pour atteindre le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité partielle
permanente, de l'absence de préjudice esthétique, de préjudice
sexuel, de préjudice d'établissement et de préjudice permanent
exceptionnel, l'absence de « conséquences anormales de l'aléa
au regard au regard de l'état de santé de Mme X... et de l'évolution
prévisible de celui-ci en lien direct avec l'accident médical dont
elle a été victime », la cour d'appel, qui a confondu gravité
et anormalité des conséquences préjudiciables de l'accident,
a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que pendant la plus grande
partie de la période d'incapacité partielle, Mme X... n'était
astreinte au port d'une canne de marche que par sécurité, ce qui
ne l'empêchait pas de vaquer à peu près normalement à
ses occupations quotidiennes, dans des conditions habituelles en pareil cas
; qu'elle a, en outre, constaté que le résultat de l'arthroplastie
totale de la hanche gauche après la fracture était certes moins
bon qu'avant mais n'en était cependant pas très éloigné
à 15/17 au lieu de 17/18 , alors que la patiente ne boitait pas, qu'elle
n'avait plus recours à la canne et qu'elle n'apparaissait pas spécialement
handicapée à la suite de cette deuxième intervention, étant
en outre observé que, sur le plan psychiatrique, il existait un état
antérieur, qu'elle était sous anxiolytiques et antidépresseurs
au moment de l'accident médical et qu'il y avait eu une décompensation
psychiatrique qui n'avait pas présenté une intensité suffisante
pour dépasser le seuil de prise en charge au titre de l'incapacité
permanente partielle ; qu'elle a ainsi caractérisé l'absence de
caractère anormal du dommage au regard de l'état de santé
antérieur de la patiente ou de son évolution prévisible,
excluant par là-même toute indemnisation de son préjudice
au titre de la solidarité nationale ;
Que la troisième branche n'est pas fondée, ce qui rend la première
inopérante comme s'attaquant à des motifs surabondants ; Et attendu
que la deuxième branche n'est pas de nature à permettre l'admission
du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;