Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 20 mars 2014
N° de pourvoi: 13-12407
Non publié au bulletin
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2012), qu'à la suite du diagnostic d'un cancer du sein gauche en juin 1999, Mme X... a subi, à l'Institut Gustave Roussy, des cures de chimiothérapie puis, le 30 septembre 1999, une mastectomie, suivie d'une cure de radiothérapie de seize séances, qu'ayant ensuite présenté des complications pulmonaires et conservé une importante diminution de sa capacité respiratoire, elle a recherché la responsabilité de l'établissement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, pour décider que l'Institut Gustave Roussy n'avait pas commis de faute, d'une part, qu'il avait eu connaissance des lobectomies subies par la patiente en 1970, et d'autre part, qu'il semblait en avoir eu connaissance, la cour d'appel, qui a successivement affirmé que ce fait était établi de manière certaine et qu'il ne l'était pas, s'est prononcée par des motifs de faits entachés de contradiction, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le médecin est tenu de prodiguer à son patient des soins attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science ; que méconnaît son obligation le médecin qui, informé d'une prédisposition pathologique du patient, lui administre un traitement sans tenir compte des risques liés à cette pathologie ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que l'Institut Gustave Roussy n'avait pas commis de faute, que le bilan fonctionnel respiratoire préopératoire n'était pas obligatoire et que les doses administrées à Mme X... pour la radiothérapie étaient nécessaires afin de prévenir une récidive du cancer, sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard de la prédisposition pathologique pulmonaire de Mme X..., dont l'Institut Gustave Roussy était informé, un bilan respiratoire préopératoire était nécessaire en vue de réduire les doses de la radiothérapie afin de diminuer les risques d'atteinte aux fonctions respiratoires de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'il résultait des constatations expertales que les soins prodigués et les consultations médicales avaient été attentifs et conformes aux données acquises de la science, qu'il était justifié de recourir à une radiothérapie au regard de l'importance de la tumeur et de l'inefficacité des cures de chimiothérapie, que l'irradiation était nécessaire, aux doses administrées, de façon à prévenir un risque de récidive, lequel est de 50 % à dix ans sans radiothérapie, ce traitement le réduisant à 15 %, d'autre part que, si un bilan fonctionnel respiratoire préopératoire aurait pu, et non dû, être effectué, il ne l'est pas en pratique courante et que Mme X..., bien qu'ayant subi une lobectomie inférieure bilatérale des deux poumons en 1969 ou 1970 qui semblait être connue de l'Institut Gustave Roussy, ne présentait pas de gêne fonctionnelle depuis trente ans, la radio thoracique préopératoire n'ayant au demeurant rien montré ; qu'elle a ainsi, sans se contredire et procédant à la recherche prétendument omise, retenu que l'Institut Gustave Roussy n'avait pas commis de faute ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que Mme X... fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'un motif dubitatif équivaut à un défaut de motif ; qu'en énonçant que Mme X... avait semblé comprendre le risque de mastectomie comportant la question de la reconstruction mammaire et avait néanmoins souhaité faire pratiquer la radiothérapie, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dubitatifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le compte-rendu de la consultation du 1er septembre 1999 indiquait de manière claire et précise : « on explique le risque de mastectomie que la patiente semble comprendre et accepter » ; qu'il en résultait que seul le risque lié à la mastectomie avait été abordé lors de cette consultation, à l'exclusion de la question relative à la reconstruction mammaire ; qu'en décidant néanmoins, qu'aux termes de ce compte rendu de consultation, la question de la reconstruction mammaire avait été abordée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce compte-rendu, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu' hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, le médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ; que le médecin n'est pas dispensé de son obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ; qu'en énonçant, pour décider que l'Institut Gustave Roussy n'avait pas manqué à son obligation à l'égard de Mme X..., qu'une indication plus précise du rapport bénéfice/risque lié à l'absence de radiothérapie était difficile à préciser en raison de la rareté de l'atteinte respiratoire subie par la patiente, la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif impuissant à exonérer le médecin de son obligation d'information, a violé l'article 1147 du code civil ;
4°/ que le manquement du médecin à l'obligation d'information dont il est tenu cause nécessairement un préjudice au patient que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu'en refusant de réparer le préjudice subi par Mme X..., motif pris qu'elle ne formulait aucune demande de dommages-intérêts au titre d'un dommage moral spécifique résultant du défaut d'information, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
5°/ que Mme X... sollicitait, devant la cour d'appel, la condamnation de l'Institut Gustave Roussy à l'indemniser de ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents ; qu'elle demandait, à ce titre, l'indemnisation de son préjudice moral ; qu'en énonçant néanmoins, pour la débouter de sa demande de dommages-intérêts dus au titre du défaut d'obligation d'information, qu'elle ne formulait aucune demande de dommages-intérêts au titre d'un dommage moral spécifique à la méconnaissance de cette obligation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de Mme X..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'interprétant sans le dénaturer le compte-rendu de la consultation du 1er septembre 1999, préalable à l'intervention du 1er octobre suivant, indiquant que le risque de mastectomie avait été expliqué à la patiente et que celle-ci avait semblé le comprendre et l'accepter, la cour d'appel a estimé que Mme X... avait été informée, d'une part, de ce risque, lequel comportait la question de la reconstruction mammaire, d'autre part, avec toute la précision que permettaient la rareté des atteintes respiratoires qu'elle avait subies et le fait que ses antécédents remontaient à plus de trente ans, sans signe clinique patent d'insuffisance respiratoire préopératoire, du rapport bénéfice/risque lié à l'absence de radiothérapie ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs des trois premières branches, que l'établissement avait satisfait à son obligation d'information claire, loyale et appropriée, rendant ainsi les deux autres branches inopérantes, comme s'attaquant à des motifs surabondants ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 10 juillet 2014

N° de pourvoi: 13-21603
Non publié au bulletin
Rejet

Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 avril 2013), que M. X..., qui souffrait d'un cancer gastrique, a subi le 16 septembre 2003 à la clinique Saint-Vincent de Dax, l'exérèse d'une partie de l'oesophage et de l'estomac pratiquée par Mme Z..., suivie, en raison de l'apparition d'une fistule, de deux autres interventions, son état ayant ensuite nécessité son transfert au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux où il en a subi de nouvelles, qu'ayant saisi la commission régionale d'indemnisation d'Aquitaine, puis refusé l'offre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à la suite de l'avis de cette commission, il a recherché la responsabilité de Mme Z... et demandé en justice l'indemnisation de ses préjudices à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à condamner l'ONIAM à indemniser son préjudice, alors, selon le moyen, qu'un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'il est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'il a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présente un caractère de gravité ;
1°/ qu'en jugeant que les conséquences de la fistule dont M. X... avait souffert à la suite de son opération ne pouvaient être indemnisées par l'ONIAM au prétexte que c'était une complication connue et fréquente, puisqu'elle survenait dans 5 à 10 % des cas, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas tenant à la rareté de la complication pouvant être prise en charge par la solidarité nationale et violé en conséquence l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
2°/ qu'en jugeant encore que la fistule anastomogastrique que M. X... avait subie à la suite de l'ablation de son estomac n'aurait pas présenté un caractère d'anormalité du fait de la pathologie pour laquelle il avait été opéré et de son évolution prévisible, retenant ainsi une appréciation in abstracto du caractère anormal des conséquences de l'aléa thérapeutique survenu, relative à la maladie à l'origine de l'opération, quand c'était à une appréciation in concreto qu'il devait être procédé, portant sur les éventuelles prédispositions du patient lui-même à subir l'accident médical dont il demandait réparation, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
3°/ qu'en affirmant enfin qu'il existait chez M. X... un degré élevé de risque qu'une fistule apparaisse à la suite de l'opération qu'il avait subie pour en déduire que l'état de santé du patient aurait contribué à la réalisation du dommage, sans expliquer de quel élément de preuve elle déduisait cette affirmation, l'expert judiciaire n'ayant pas constaté que les complications dont M. X... avait souffert auraient été dues à des prédispositions qu'il aurait présentées et aucune des parties n'ayant prétendu cela, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu qu'eu égard à l'état avancé du cancer dont souffrait M. X..., il existait un degré élevé de risque qu'une fistule anastomogastrique, complication connue et fréquente de l'intervention, se produise ; qu'elle a exactement déduit de ces constatations, dont il résultait que le patient avait dû subir, dans l'espoir d'obtenir une amélioration de son état de santé, une intervention indispensable présentant des risques importants liés à sa pathologie, dont l'un s'était réalisé, que l'indemnisation du dommage subi ne relevait pas de la solidarité nationale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 2 juillet 2014

N° de pourvoi: 13-15750
Publié au bulletin Rejet
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme X..., atteinte d'une hémiplégie droite à la suite de l'ablation d'un kyste épidermoïde intracrânien, pratiquée le 27 février 2006, fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 23 février 2012), de rejeter sa demande envers l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, alors, selon le moyen :
1°/ que l'accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient lorsqu'il emporte des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'en retenant, pour écarter l'anormalité des conséquences de l'accident médical subi par Mme X..., que le risque d'hémiplégie était « prévisible » et qu'il n'était pas « suffisamment rare dans sa survenance pour pouvoir considérer que les préjudices qui en découlent sont anormaux », quand seule importait la comparaison entre les conséquences de l'accident médical et l'état de santé antérieur du patient et son évolution prévisible, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
2°/ que l'anormalité des conséquences d'un accident médical s'apprécie notamment au regard de l'état de santé du patient au moment de l'intervention ; qu'en retenant, en l'espèce, que les conséquences de l'accident médical n'étaient pas anormales quand elle constatait pourtant que Mme X... avait « subi des préjudices d'une très grande gravité... d'autant plus caractérisés qu'elle ne souffrait d'aucun déficit neurologique avant l'intervention », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté, que, selon les éléments fournis par les experts, l'hémiplégie dont Mme X... était atteinte et qui était directement imputable aux gestes du chirurgien, était une complication prévisible de l'exérèse de ce kyste et qu'à défaut d'intervention, même si l'hémiplégie n'était pas inéluctable, l'accroissement lent et régulier du kyste sans possibilité de résorption naturelle laissait présager pour elle de graves difficultés médicales, l'évolution d'une hypertension artérielle constituant un risque mortel ; qu'elle a exactement déduit de ces circonstances, d'où il résultait que Mme X... avait dû subir, dans l'espoir d'obtenir une amélioration de son état de santé, une intervention indispensable, présentant un risque important lié à sa pathologie et qui s'était réalisé, que les conséquences, aussi graves qu'elles soient, de l'acte de soins ne présentaient pas de caractère anormal au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci au sens de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique et que dès lors, l'indemnisation du dommage subi ne relevait pas de la solidarité nationale ; d'où il suit que ces griefs ne sont pas fondés ;
Et attendu que les trois dernières branches du premier moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :
Attendu que le rejet du premier moyen rend le second inopérant ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;