Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1142-1, I du code de la santé publique ;
Attendu que l'atteinte, par un chirurgien, à un organe ou une partie du corps du patient que son intervention n'impliquait pas, est fautive, en l'absence de preuve, qui lui incombe, d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relèverait de l'aléa thérapeutique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 23 mars 2006, M. X..., chirurgien, a pratiqué une lipo-aspiration sur la personne de Maryse Y..., qui est sortie le même jour de la clinique, que, souffrant de douleurs abdominales, elle a fait appel à son médecin généraliste, M. Z..., qui lui rendu visite les 24 et 25 mars et l'a fait hospitaliser le lendemain, au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, que Maryse Y... a ensuite été transférée au CHU de Nîmes où, après une opération d'urgence, elle est décédée le 28 mars 2006 ; que son époux, en son nom personnel et au nom de leur fille mineure, ainsi que ses deux fils majeurs (les consorts Y...), ayant recherché la responsabilité de MM. X... et Z..., la cour d'appel, estimant que M. X... n'avait pas commis de faute et que le décès trouvait essentiellement sa cause dans le retard au diagnostic imputable à M. Z..., a condamné ce dernier à indemniser les consorts Y... ;
Attendu que, pour écarter toute faute de M. X..., la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était pas démontré que la hernie ombilicale était décelable lors de l'examen clinique préalable, qui s'était révélé normal, aucun facteur de risque n'étant évoqué, qu'à cet égard, compte tenu des circonstances, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir effectué de plus amples recherches, et que, même s'il n'était pas contestable que la plaie de l'intestin grêle résultait de l'acte chirurgical, il n'était pas davantage démontré que ce dernier n'avait pas été contraire aux règles de l'art ;
Qu'en constatant ainsi que l'intestin grêle avait été perforé lors d'une intervention consistant en l'exérèse de tissu graisseux, sans caractériser en quoi le chirurgien aurait fait la preuve de ce que la hernie ombilicale constituait une anomalie indécelable, rendant l'atteinte inévitable ou de ce que le risque de perforation et la contamination bactérienne subséquente, dont elle relevait, au demeurant, que, selon les experts, il s'agissait de la complication la plus grave de cette intervention, n'aurait pas été maîtrisable, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du second ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 6 février 2013
N° de pourvoi: 12-17423
Publié au bulletin
Cassation partielle
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 1142-1, I et L. 1111-2 du code de la santé publique ;
Attendu que, pour rejeter les demandes en responsabilité de Mme X... à l'encontre de M. Y..., chirurgien, qui avait pratiqué sur elle une intervention de lipectomie le 19 janvier 2005, la cour d'appel, au vu du rapport d'expertise et des éléments versés aux débats, se borne à retenir, d'une part, qu'il n'existe pas de geste médical ou chirurgical pour éviter la survenance d'un épanchement qui est considéré comme une simple complication et non comme le résultat d'une faute commise par le médecin qui a pratiqué l'intervention, d'autre part, que Mme X... a signé une autorisation d'opérer avec accord sur l'information qui lui a été donnée, en ces termes : "j'accepte l'opération chirurgicale proposée par le docteur Etienne Marie Y.... Je sais qu'il n'existe pas d'acte chirurgical sans risque et que des complications sont possibles même si l'intervention est conduite normalement ; je reconnais que la nature de l'opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m'ont été expliqués en termes que j'ai compris, le docteur Etienne Marie Y... a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J'ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l'intérêt de mon état de santé actuel et futur" ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé,
d'une part, si la nécrose cutanée à la jonction des cicatrices
verticale et horizontale, complication connue pour les plasties abdominales
dont elle avait constaté la survenance, n'aurait pas pu être évitée
par un geste médical adapté, d'autre part, si M. Y... n'avait
pas failli à son obligation d'expliciter les risques précis de
l'abdominoplastie, notamment par la remise d'une brochure exhaustive, telle
que celle qui avait été remise à Mme X... lors de la seconde
intervention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche
du moyen :
CASSE ET ANNULE,
sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du jugement, l'arrêt
rendu le 17 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé
le jugement ayant déclaré le docteur Y... responsable du préjudice
subi par Mme X..., Aux motifs que Mme X... avait subi un acte de chirurgie
réparatrice ; que les suites opératoires avaient été
émaillées par l'apparition d'une petite nécrose cutanée
à la jonction de la cicatrice verticale et de la cicatrice horizontale,
l'expert précisant que ce type de complication était connu dans
le cadre de plasties abdominales en particulier sur un tel terrain ; qu'il n'existait
pas de geste médical ou chirurgical pour éviter la survenance
d'un épanchement considéré comme une simple complication
et non comme le résultat d'une faute médicale ; qu'il était
établi que la complication à la suite de la première opération
était prévisible et conforme aux données acquises de la
science ; que l'expert indiquait qu'elle avait été correctement
suivie et traitée ; que la complication survenue au cours de l'intervention
pratiquée par le docteur Y... ne résultait pas d'une faute médicale
mais constituait un aléa thérapeutique ; que concernant le manquement
au devoir d'information, Mme X... avait signé une opération d'opérer
avec accord sur l'information donnée, le document indiquant que la patiente
acceptait l'intervention chirurgicale proposée ; qu'elle avait reconnu
que la nature de l'opération prévue, ainsi que ses avantages et
ses risques lui avaient été expliqués en des termes qu'elle
avait compris, le docteur Y... ayant répondu de manière satisfaisante
aux questions posées ; qu'en ayant fait signer ce document, le docteur
Y... justifiait avoir satisfait à son obligation ;
Alors que
1°) le chirurgien engage sa responsabilité lorsqu'il ne donne pas
des soins post-opératoires conformes aux données acquises de la
science ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était
invitée, si l'apparition de la nécrose cutanée à
la jonction des cicatrices verticale et horizontale, complication connue pour
les plasties abdominales, n'aurait pas pu être évitée par
un geste médical adapté, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Alors que
2°) le chirurgien doit démontrer avoir informé son patient
des risques précis des suites opératoires ; qu'à défaut
d'avoir recherché si le docteur Y... n'avait pas failli à son
obligation d'expliciter les risques précis de l'abdominoplastie à
l'exemple de la brochure exhaustive remise lors de la seconde intervention chirurgicale,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 1147 du code civil et L 1111-2 du code de la santé publique
;
Alors que
3°) la cour d'appel qui n'a pas davantage recherché, comme le tribunal,
si le docteur Y... n'avait pas lui-même reconnu un défaut ponctuel
d'information sur le risque de complication transitoire du geste légitime,
incident qu'il avait qualifié de « classique », a de nouveau
privé sa décision de base légale au regard des articles
1147 du code civil et L 1111-2 du code de la santé publique.
Publication : Bulletin 2013, I, n° 10