L'état
d'urgence
loi
du 3 avril 1955, modifiée par la loi
du 21 novembre 2015 (d'autres modifications ont
eu lieu en 1960, 2011, 2013)
Ce régime
n'opère aucune confusion des pouvoirs législatifs et
exécutif, et ne confie aucun pouvoir à l'armée.
Selon l'historien Henry Rousso, "la proclamation
de l’« état d’urgence » plutôt
que de l’« état de siège » montre
bien que priorité absolue reste au pouvoir civil, dans la tradition
républicaine"
Il permet toutefois
une extension importante de certains pouvoirs de police et de l'administration.
Conditions
de l'état d'urgence :
il est mis en
place en cas
- de péril imminent résultant d'atteintes graves à
l'ordre public (= atteinte à la salubrité ou à
la sécurité)
- d'événement présentant le caractère
de calamité publique (= catastrophe naturelle)
Ce
régime avait déjà été mis en place
en 2005, lors des émeutes dans les banlieues dans 26 départements.
Concernant
les attentats du 13 novembre 2015 : l'état d'urgence est mis
en place sur tout le territoire français
par le décret
du 14 novembre 2015 et celui du
18 novembre 2015
Il y a effectivement, avec les attentats du 13 novembre 2015, caractérisation
d'un péril imminent résultant d'atteintes graves à
l'ordre public : les terroristes ont frappé des lieux publics
diversifiés, sans distinction, en très grand nombre,
et, les phénomènes terroristes se répétant
depuis le 7 janvier 2015, il est à craindre que de tels événements
se reproduisent.
Durée
de l'état d'urgence
Le
décret pris en conseil des ministres ouvre l'état
d'urgence pour une durée de 12 jours maximum.
L'état
d'urgence peut cependant être prolongé par une
loi,
ce qui est fait ici, pour 3 mois, dans l'art. 1 de
la loi du 21 nov. 2015.
Si
le gouvernement souhaitait une nouvelle prolongation, il
faudrait de nouveau démontrer le péril imminent,
et obtenir le vote d'une loi par les assemblées parlementaires.
Que
permet l'état d'urgence ?
La présentation
ci-dessous montre
dans la colonne de gauche ce que permettait la loi de 1955, assortie
des diverses circulaires ministérielles,
avant la réforme du 21 novembre 2015 (donc pendant les 12 jours).
La colonne de droite montre les modifications apportées à
la loi de 55.
En rouge, le renforcement du régime de
l'état d'urgence,
en vert les allègements ou meilleures
garanties pour les personnes qui le subissent.
12 premiers
jours : on a appliqué
la loi de 55 (lire
la loi en l'état),
assortie des décrets et diverses circulaires ministérielles
de 2015
|
3
mois suivants
modifications apportées à la loi de 55
par l'art. 4 de la loi du 21 nov. 2015 |
possibilité
d'interdire la circulation de personnes ou
de vehicules dans certaines zones ou à certaines heures
exemple : couvre feu dans certains quartiers
Les circulaires imposent
aux préfets de motiver leur consignes par l'existence
de menaces graves
|
idem |
Créer
des zones où le séjour des personnes
est réglementé, ou bien où la sécurité
doit être accrue
Les circulaires imposent
aux préfets de motiver leur consignes par l'existence
de menaces graves
|
idem |
Fermer
des salles de spectacles, des débits de boisson, des
lieux de réunion
Les circulaires imposent
aux préfets de motiver leur consignes par l'existence
de menaces graves
|
idem |
Interdire
des réunions ou regroupement pouvant créer le
désordre
Le ministère de l'intérieur a ainsi demandé
aux parisiens de ne pas manifester, comme cela a pu se faire
le 11 janvier 2015 |
idem |
Exiger
la remise de toute arme meme détenue légalement |
idem
(texte actualisé) |
Interdire
le séjour de telle personne
dans tel département |
idem |
Assignations à résidence
les personnes sont obligées de rester dans un lieu de
résidence désigné
On peut assigner à résidence la personne
dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité
et l'ordre publics
la personne
doit se rendre régulièrement au poste de police
ou de gendarmerie le plus proche (il n'y a pas de bracelet électronique)
La loi
de 55 interdit la constitution de regroupement dans un lieu
de rétention (camp, prison...)
A
la fin de l'état d'urgence, la procédure
pénale de droit commun reprend ses droits : l’assignation
à résidence n'est prononcée que
- par un juge d’instruction dans le cadre d'une information
judiciaire
- un juge des libertés et de la détention (JLD)
pour une personne mise en examen
Du
14 au 20 novembre 2015,
164 assignations à résidence
|
Assignations
à résidence
Elargissement des possibilité d'assignation à
résidence :
on peut assigner la personne à
l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses
de penser que son comportement constitue une
menace pour la sécurité et l'ordre publics
(rappel
: en état d'urgence, on n'est pas dans la logique judiciaire
où les soupçons doivent être étayés
objectivement ; on est dans une logique de police et de renseignements
où des soupçons plus subjectifs suffisent)
La
personne peut aussi être astreinte à demeurer dans
le lieu d'habitation pendant une plage horaire, dans la limite
de 12 heures par 24 heures
Le ministre
de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée
à résidence :
1° L'obligation de se présenter périodiquement
aux services de police ou aux unités de gendarmerie,
(maximum trois présentations par jour)
2° La remise à ces services de son passeport ou de
tout document justificatif de son identité
3° l'interdition de voir certaines personnes
4° une surveillance éléctronique si la personne
a déjà été condamnée pour
terrorisme (fin de peine il y a moins de 8 ans)
|
Perquisitions
de domicile de jour comme de nuit
Hors
d'état d'urgence, pour perquisitionner,
il faut constatation d'une infraction flagrante (une infraction
avérée vient d'etre commise) et les OPJ disposent
alors de 8 jours pour mener une enquête leurs permettant des
perquisitions de domiciles, de jours (6 h à 21 h), uniquement
les domiciles des personnes soupçonnées de l'infraction
flagrante.
S'il n'y
a pas d'infraction flagrante, il y a seulement enquête préliminaire.
Les perquisitions contraintes ne sont possibles sauf pour les
délits punis de plus de 5 ans d'emprisonnement, sur autorisation
écrite du juge des libertés et de la détention.
En
état d'urgence, il n'est pas
nécessaire qu'une infraction soit constatée ou
que des soupçons de commission d'une infraction précise
pèsent sur une personne.
La police et les services de renseignements peuvent utiliser
leurs renseignements (les fameuses fiches S, 4000 environ concernent
des personnes liées à des activités
de terrorismes)
Garanties imposées par les circulaires :
- Seul un OPJ peut perquisitionner, en
présence de l'occupant.
- Une information de la perquisition
doit être donnée immédiatement au procureur.
- un rapport de perquisition doit
être communiqué au procureur à bref délai
- en cas constatation d'une infraction, de saisi d'un objet
ou d'interpellation d'une personne à l'issue de la perquisition,
il y a ouverture d'une enquête
de flagrance ou préliminaire classique = la procédure
pénale classique et toutes ses garanties reprend ses
droits
entre
le 14 et le 20 novembre 2015 :
793 perquisitions administratives
107 interpellations conduisant à 90 gardes à vue
174 armes saisies (18 armes de guerre, 84 armes longues et 68
armes de poing)
64 découvertes de produits stupéfiants
250 000 € saisis
|
Perquisitions
de jour comme de nuit
Elargissement
des possibilités de perquisitions administratives :
- les domiciles
-tout autre lieu (véhicule,
garage, cave, lieu de stockage, etc...),
sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat
parlementaire ou à l'activité professionnelle
des avocats, des magistrats ou des journalistes
lorsqu'il
existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est
fréquenté par une personne dont le comportement
constitue une menace pour la sécurité et l'ordre
public
Les
garanties imposées par les circulaires sont intégrées
à la loi :
- Seul un OPJ peut perquisitionner, en
présence de l'occupant.
- Une information de la perquisition
doit être donnée immédiatement au procureur.
- un rapport de perquisition doit
être communiqué au procureur à bref délai
- en cas constatation d'une infraction, de saisi d'un objet
ou d'interpellation d'une personne à l'issue de la perquisition,
il y a ouverture d'une enquête
de flagrance ou préliminaire classique = la procédure
pénale classique et toutes ses garanties reprend ses
droits
Matériel
informatique et données :
Il peut être accédé
- aux données stockées dans un système
informatique ou un terminal présent sur les lieux de
la perquisition,
- à des données stockées dans un autre
système informatique ou terminal, dès lors que
ces données sont accessibles à partir du système
initial ou disponibles pour le système initial.
Les données peuvent être copiées sur tout
support.
|
Controle
de la presse, de la radio, des spectacles au théatre
et films de cinéma L'application
de cette mesure a été totalement exclue par la circulaire
du ministère de l'intérieur
|
Mesure
suprimée |
Attribution
d'une compétence aux tribunaux militaires pour
se saisir de certains crimes ou délits
L'application de
cette mesure a été totalement exclue par la circulaire
du ministère de l'intérieur
|
Mesure
suprimée |
|
Mesure
ajoutée
Possibilité
de dissoudre les associations ou groupements qui participent
à la commission d'actes portant une atteinte grave
à l'ordre public ou dont les activités facilitent
cette commission ou y incitent
|
Les
voies de recours contre les mesures imposées dans
le cadre de l'état d'urgence ont été améliorées
par la loi du 21 novembre 2015.
Elles dépendaient avant d'un article 7 de la loi de 55, extrêmement
mal conçu, très peu protecteur et efficace.
L'objectif de la réforme était de renforcer ces recours
ce qui fut fait en abrogeant tout simplement l'article 7 : désormais,
les recours empruntent la voie du droit commun, plus protecteur.
Sanctions
: Contrevenir à une mesure imposée dans le
cadre de l'état d'urgence est une infraction pénale
(peines à l'art. 13 loi de 55)
Lire la circulaire
du garde des sceaux
Lire la circulaire
du ministère de l'intérieur
Critiques
de la loi actuelle sur l'état d'urgence
Trois failles
dans la loi actuelle :
- la définition de l'urgence elle-même, devrait etre
précisée. On peut craindre, en l'état actuel
de la loi, qu'un gouvernement peu scrupuleux ne profite de n'importe
quelle occasion pour affirmer qu'il y a urgence afin de passer son
décret pour 12 jours.
- l'orientation des investigations exceptionnelles permises par l'état
d'urgence doit etre précisée dans le décret et
dans la loi prolongeant l'état d'urgence : les préfets
doivent être cadrés et ne pas faire de hors sujet. Ce
qui semble hélas etre parfois le cas, comme ici
par exemple ?
- la durée de l'état d'urgence prolongée par
la loi devrait etre très brève, car les semaines passant,
les risques de dérapages se multiplient. Un mois ne serait-il
pas suffisant ?
Quid
du projet de réforme constitutionnel ?
Il
est envisagé que la constitution évoque l'existence
de l'état d'urgence, comme c'est le cas de l'état de
siège.
Autres
projets, nécessitant une réforme constitutionnelle :
-
la déchéance de nationalité pour les nationaux
de naissance, en cas d'entreprise terroriste
- le bannissement des nationaux qui seraient allés se battre
en Syrie notamment
A
suivre ...