Cour d'appel de Poitiers
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 26 février 2009

N° de RG: 07/02404

ARRÊT No
R. G : 07 / 02404
X...
Y...
C /
S. A. FOUNTAINE PAJOT
S. A. AGF-IART
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 26 FEVRIER 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 02404
Suivant déclaration de saisine du 22 juillet 2007 d'un arrêt de Cassation rendu le 22 mai 2007, annulant l'arrêt du 28 juin 2005 rendu par la Cour d'Appel de POITIERS, statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 12 novembre 2004 par le Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT SUR MER
APPELANTS :
Monsieur Peter X...
...
APTOS CA 950032 USA
Madame Julie Y... épouse X...
...
APTOS CA 950032 USA
représentés par la SCP PAILLE & THIBAULT & CLERC, avoués à la Cour,
assistés de Maître Jacques MANSEAU, avocat au barreau de PARIS, entendu en sa plaidoirie,
INTIMEES :
S. A. FOUNTAINE PAJOT
Dont le siège social est Zone Industrielle du Fief Girard
17290 AIGREFEUILLE D'AUNIS
agissant poursuites et diligences de ses Président et Directeur domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par la SCP MUSEREAU MAZAUDON-PROVOST-CUIF, avoués à la Cour,
assistée de Maître Vincent LAGRAVE, avocat au barreau de LA ROCHELLE, entendu en sa plaidoirie,
S. A. AGF-IART (ASSURANCES GENERALES DE FRANCE)
Dont le siège social est 87 rue de Richelieu
75002 PARIS
agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par la SCP ALIROL & LAURENT, avoués à la Cour,
assistée de Maître Julie PIQUET, avocat au barreau de PARIS, substituée par Maître Pascal TRILLAT, avocat au barreau de PARIS, entendu en sa plaidoirie,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Xavier SAVATIER, Président,
Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller,
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller,
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Sandra BELLOUET
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
-Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- Signé par Monsieur Xavier SAVATIER, Président, et par Madame Sandra BELLOUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Par contrat des 13 et 14 juillet 1999, M. Peter X... et son épouse Mme Julie Y..., tous deux de nationalité américaine, ont acquis pour leur usage personnel un navire catamaran à voile construit à La Rochelle par la société Fountaine Pajot pour un prix de base de 690 000 USD auquel se rajoute notamment une annexe A ainsi décrite : " 136 009 $ (y compris 150 638 $ pour les équipements rajoutés, la livraison, la mise à l'eau et le commissionnement à l'atelier et les droits d'importation, droits de douane, taxes portuaires américains, livraison à Miami-moins le crédit de 14 629 $ de l'agent) ", soit un prix total de 826 009 $.
La livraison est intervenue en février 2000.
Les époux X... se plaignant de défauts qu'ils imputent à des manquements du constructeur qui aurait mal réparé les dommages occasionnés au navire par la tempête qui a affectée le port de La Rochelle où se trouvait le navire fin décembre 1999 et leur a caché ce fait, ont assigné devant un juge de Californie, état dans lequel ils sont domiciliés, d'une part la société Fountaine Pajot et, d'autre part, M. E..., exerçant son activité sous le couvert d'une société Cruising Cats USA, auprès de laquelle ils avaient commandé le navire.
Le 26 février 2003, la Superior Court of California-County of Alameda, a condamné la société Fountaine Pajot à payer aux époux X... la somme de 3 253 734, 45 USD se décomposant en :
-1 391 650, 12 $ pour la remise en état du navire,
-402 084, 33 $ pour les frais d'avocats,
-1 460 000, 00 $ à titre de dommages punitifs,
avec intérêts de 381, 01 $ par jour à compter du 10 février 2003 et jusqu'au prononcé du jugement, puis de 10 % l'an en cas de non-paiement.

Le 3 octobre 2003 les époux X... ont assigné la société Fountaine Pajot en exequatur de cette décision. Cette dernière a appelé en cause son assureur la société Assurances Générales de France (les AGF), venant aux droits de la société Allianz Vie.
Pour s'opposer à cette demande, la société Fountaine Pajot a notamment invoqué les dispositions de l'article 15 du code civil.
Par jugement du 12 novembre 2004, le tribunal de grande instance de Rochefort a rejeté la demande d'exequatur, débouté la société Fountaine Pajot de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné les époux X... à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt du 28 juin 2005, la cour d'appel de Poitiers, statuant sur l'appel formé par les époux X..., a confirmé ce jugement et a condamné ceux-ci, en outre, à payer à la société Fountaine Pajot la somme de 2 100 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi, la cour a retenu que la société Fountaine Pajot était fondée à demander à être jugée par un tribunal français en application de l'article 15 du code civil.
Par arrêt du 22 mai 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée. Pour statuer ainsi, la cour a reproché à la cour d'appel de n'avoir pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 15 du code civil qui ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte d'un tribunal étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction n'est pas frauduleux, ce qu'elle n'avait pas recherché pour se déterminer comme elle a fait.

LA COUR :
Vu la déclaration de saisine du 20 juillet 2007 ;
Vu les conclusions du 16 décembre 2008 par lesquelles les époux X..., poursuivant l'infirmation du jugement, demandent de :
- déclarer exécutoire en France le jugement du 26 février 2003 de la Superior Court of California-County of Alameda ;
- condamner in solidum la société Fountaine Pajot et les AGF au paiement de la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 26 novembre 2008 par lesquelles la société Fountaine Pajot, poursuivant la confirmation du jugement, demande subsidiairement de condamner les AGF à la garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par le jugement de la Superior Court of California-County of Alameda ainsi que par l'arrêt à intervenir et sollicite la condamnation des époux X... à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 3 décembre 2008 par lesquelles les AGF, poursuivant la confirmation du jugement, demandent de condamner les époux X... à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire au cas où serait accordé l'exequatur, juger qu'en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, les intérêts à hauteur de 381, 01 $ ne peuvent courir qu'à compter de la décision à intervenir.

Sur ce :
Considérant que seront écartées des débats les pièces qui ont été produites à la cour pendant son délibéré par l'avocat de la société Fountaine Pajot et qui ne figurent pas sur le bordereau annexé à ses conclusions ;
Considérant que pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir, la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ;
Considérant que pour soutenir que le rattachement du litige à la juridiction californienne est factice et purement opportuniste la société Fountaine Pajot fait valoir que le litige se rattache à la France à raison de ce que :
- défenderesse, elle a la nationalité française et son siège se trouve en France où elle exerce son activité de constructeur naval ;
- le navire a été construit en France ;
- les dommages allégués sont survenus en France, à la suite de la tempête des 26 et 27 décembre 1999 ;
- le bateau a fait l'objet, en France, le 23 novembre 1999, d'une première vente à la société Cruising Cats et a été livré aux époux X... aux Bahamas ;
Considérant cependant que, comme le font exactement valoir les époux X..., les demandeurs à l'action ont leur domicile en Californie et la nationalité américaine ; qu'ils ont attrait devant le juge de son propre domicile, lieu de son activité, la société de droit américain Cruising Cats et son animateur ou représentant, M. E..., dont ils étaient fondés à croire qu'il n'avait agit qu'en qualité d'agent de la société Fountaine Pajot, simple intermédiaire ayant pris la commande pour le compte du fabricant ; qu'à cet égard, le contrat de vente signé le 14 juillet 1999 en Californie par les acquéreurs énonce des obligations pesant sur le fabricant au bénéfice direct des acquéreurs, notamment la fourniture d'un dessin professionnel de l'aménagement, dans la semaine suivant la réception par lui du contrat de vente ; que les acquéreurs ont eu des rapports directs avec le fabricant comme le démontre la pièce intitulée " order modification ", datée du 8 juin 1999 du siège de la société Fountaine Pajot et adressée à " Peter & Julie " leurs prénoms ; qu'il ressort d'ailleurs notamment de la pièce intitulée " 1999 Marquises 56 Options list " du 28 juin 1999, que le catamaran était construit sur mesure pour les époux X... et que ceux-ci ont entendu choisir des options dont le prix était négocié par eux avec le chantier, l'agent se bornant à transmettre les offres ; qu'il a d'ailleurs été convenu d'une remise sur le prix en contrepartie de l'engagement des acquéreurs de rendre le voilier disponible pour le salon nautique de Miami en février 2000 ; qu'enfin, les parties au contrat ont entendu expressément soumettre celui-ci au droit de l'état de Californie et la convention jointe au contrat, intitulée " Limited Warranty " qui définit l'étendue de la garantie et en organise les conditions de mise en oeuvre, attribue compétence aux tribunaux de l'Etat de Californie ;
Considérant qu'il en ressort que le litige se rattache à l'Etat de Californie de manière caractérisée, les arguments présentés pour soutenir l'inverse étant soit inopérants soit insuffisants ;

Qu'en particulier, la discussion entretenue sur l'existence de deux ventes successives, la première à la société Cruising Cats, la seconde par celle-ci aux époux X... est vaine dans la mesure où cela ne serait pas suffisant pour interdire aux sous-acquéreurs d'agir dans l'Etat de Californie pour rechercher la responsabilité du vendeur fabricant d'origine, la société Fountaine Pajot, dans les défauts du navire qui ont été constatés après sa livraison ; que le juge californien a retenu qu'il avait des pratiques commerciales dans cet état ce qui est établi par les appelants qui produisent la liste des agents de ce fabricant en Californie et qui n'est pas contradictoire avec l'argumentation des AGF qui font valoir que seulement 20 % du chiffre d'affaires de celui-ci est réalisé en Amérique du nord ; que d'ailleurs, la société Fountaine Pajot avait pris le soin de s'assurer pour sa responsabilité civile dans cette zone, la police prévoyant des conditions particulières pour celle-ci ;
Qu'enfin, les intimés ne peuvent à la fois soutenir que le contrat des 13 et 14 juillet 1999 ne concerne que les rapports de la société Cruising Cats et les époux X..., et que le lieu de livraison stipulé dans ce contrat à Miami était celui convenu entre cette société et la société Fountaine Pajot ; que ce lieu de livraison, s'il ne se situe pas en Californie, est néanmoins aux Etats Unis d'Amérique, ce qui est un indice supplémentaire de l'exclusion de la compétence des juridictions françaises,

Considérant qu'aucun élément ne permet de retenir que le choix de la juridiction californienne ou de la loi de cet état résulte d'une fraude ; que d'ailleurs, le juge saisi a rendu, au contradictoire de la société Fountaine Pajot qui avait soulevé devant lui son incompétence, une première décision statuant sur sa compétence pour retenir celle-ci ;

Sur l'exception de contrariété à l'ordre public international :
En ce que la décision porte atteinte à la prescription :
Considérant que le moyen tiré de ce que l'action des époux X... a privé la société Fountaine Pajot de la prescription d'un an prévue par l'article 8 de la loi no 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, manque en fait ;
Qu'en effet, comme le reconnaît la société Fountaine Pajot, la découverte des vices est intervenue en septembre 2000 ; qu'ainsi, l'assignation délivrée le 3 avril 2001, l'a été dans l'année ; que d'ailleurs, au vu de cet acte, cette société a déposé le 23 mai 2001, une requête en annulation et une exception d'incompétence qui ont par la suite été rejetées par jugement du 27 décembre 2001 de la Superior Court of California-County of Alameda.
En ce que le juge se serait fondé sur des preuves obtenues par des moyens frauduleux et aurait méconnu les droits de la défense :
Considérant que les intimés qui prétendent pourtant que la décision n'est pas motivée, soutiennent qu'elle repose sur des preuves obtenues frauduleusement pas la époux X... ;
Que, toutefois, ce moyen ne repose que sur leurs allégations qui ne sont corroborées par aucune pièce ; qu'ils n'établissent donc pas les violations aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile qu'ils invoquent ;
Que d'ailleurs, après avoir choisi de ne pas comparaître devant le juge californien pour faire valoir leurs moyens de défense au fond, ils n'ont pas cru devoir faire appel de la décision ainsi obtenue.
En ce que la décision ne serait pas motivée :
Considérant que les intimés ne sont pas fondés à opposer l'absence de motivation de la décision dont l'exequatur est demandée pour prétendre que celle-ci ne peut être accordée ;
Qu'en effet, est produite la sténéotypie des débats de l'audience, laquelle est de nature à servir d'équivalent à la motivation du jugement puisqu'elle permet de connaître le raisonnement du juge et les motifs de sa décision ;

Qu'en particulier le but poursuivi par le juge en prononçant une condamnation à des dommages-intérêts punitifs est ainsi décrit dans la traduction libre produite à la cour et non critiquée : " un tel comportement doit être puni et apparemment la seule manière d'amener les défendeurs à assumer leur responsabilité, dans l'espoir qu'ils seront dissuadés de recommencer une chose pareille à l'avenir, est de les condamner à payer d'importantes sanctions financières " ; qu'il est encore indiqué que " dès lors, la question se pose de savoir ce qui est raisonnable au regard de cette conduite scandaleuse des défendeurs ? Ce ne doit pas être un montant qui soit exceptionnellement élevé ou qui entraîne une ruine financière totale-ruine des défendeurs, mais un montant qui doit être exemplaire et servir à dissuader le défendeur d'avoir un comportement à l'avenir - ou plutôt devrais-je dire, d'avoir un tel comportement à l'avenir " ; qu'enfin il est énoncé que " le tribunal conclut que le demandeur est en droit de recevoir des dommages-intérêts punitifs pour un montant d'un million quatre cent soixante mille dollars, ce qui correspond à environ 20 % des fonds propres de la société société Fountaine Pajot ".

Au regard du prononcé de dommages-intérêts punitifs :
Considérant que les intimés opposent à bon droit la contrariété à l'ordre public international d'une telle décision qui, statuant dans un litige né d'une vente internationale à raison des défauts présentés par le bien vendu, condamne le fabricant d'un navire à payer aux propriétaires de celui-ci, en sus de dommages intérêts compensatoires en réparation de leur entier préjudice comprenant notamment les réparations de remise en état du navire et leurs honoraires d'avocats, des dommages-intérêts punitifs sanctionnant le fait pour le fabricant d'avoir vendu un navire sans avoir déclaré aux acquéreurs qu'il avait été endommagé et avait fait l'objet de réparations ;
Qu'au surplus, comme le font valoir les intimés, la cour observe que le montant de ces derniers, calculé comme il a été énoncé, est manifestement disproportionné pour être très largement supérieur d'une part au prix de vente, d'autre part au montant même des dommages-intérêts compensatoires alloués au titre de la réparation de l'entier préjudice subi ;
Qu'en effet, en premier lieu, aux termes de l'article 74 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980, applicable en la cause si est retenue la thèse des époux X... selon laquelle la vente est intervenue entre eux et la société Fountaine Pajot : " Les dommages-intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l'autre partie par suite de la contravention. Ces dommages-intérêts ne peuvent être supérieurs à la perte subie et au gain manqué que la partie en défaut avait prévus ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat, en considérant les faits dont elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance, comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat " ; qu'en l'espèce, les dommages-intérêts punitifs prononcés dépassent la perte subie ou le gain manqué ainsi définis ;
Qu'en second lieu, en droit français, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'à cet égard, le montant de l'indemnité ne peut être déterminé par l'importance de la faute, pas plus que par la situation financière de l'auteur du dommage ;
Qu'enfin, une décision étrangère qui accorde à un acquéreur les sommes nécessaires à la réparation des défauts du navire qu'il a acheté, qui compense les divers sources de préjudice subis à raison de ces défauts et de l'instance qui a été nécessaire pour en obtenir réparation, et qui, en sus, alloue, à titre de sanction, une indemnité qui dépasse largement le prix du navire objet de la vente, permet à cette victime de s'enrichir d'une manière telle que cet enrichissement est dépourvu de cause et que la partie qui supporte une telle sanction civile peut justement faire valoir qu'est atteint le principe de proportionnalité des délits et peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Que si les époux X... font exactement valoir que la société Fountaine Pajot connaissait le risque de subir une telle sanction aux Etats Unis d'Amérique, puisque la prise en charge des dommages punitifs prononcés aux USA était expressément exclue des risques garantis par la police de responsabilité civile qu'elle avait souscrite auprès de la société Allianz, ce qui n'avait pu qu'attirer son attention sur le droit local prévoyant une telle mesure, il n'en demeure pas moins que le principe ou le montant d'une sanction dépassant la réparation du préjudice subi, n'était pas acceptée contractuellement ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a refusé l'exequatur d'une telle décision ;
Considérant que le sens de la présente décision dispense la cour de se prononcer sur la demande de garantie présentée par la société Fountaine Pajot et la demande portant sur les intérêts de la condamnation prononcée par la décision présentée à l'exequatur ;
Considérant que la situation des parties et l'équité commandent de ne pas faire en l'espèce application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :
Rejette des débats les pièces produites par l'avocat de la société Fountaine Pajot en cour de délibéré qui ne figurent pas sur le bordereau des pièces annexé à ses dernières conclusions ;
Dit que le litige se rattache à l'Etat de Californie de manière caractérisée ;
Dit que le choix de la loi de cet état et de la juridiction saisie n'est pas frauduleux ;
Dit que la décision de la Superior Court of California-County of Alameda du 26 février 2003 ne contrevient pas à l'ordre public international de procédure ;
Dit qu'elle contrevient à l'ordre public international de fond ;
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a rejeté la demande d'exequatur de la dite décision ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne in solidum les époux X... aux dépens d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé et dit que ceux exposés dans l'instance sur renvoi seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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Titrages et résumés : CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements étrangers - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Caractérisation - Applications diverses

Est contraire à l'ordre public international une décision qui, statuant dans un litige né d'une vente internationale à raison des défauts présentés par le bien vendu, condamne le fabricant d'un navire à payer aux propriétaires de celui-ci, en sus de dommages-intérêts compensatoires, des dommages-intérêts punitifs sanctionnant le fait pour le fabricant d'avoir vendu un navire sans avoir déclaré aux acquéreurs qu'il avait été endommagé et avait fait l'objet de réparations.
En déterminant le montant de l'indemnité au regard de l'importance de la faute et de la situation financière de l'auteur du dommage, une telle condamnation contrevient à l'article 74 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 et ne respecte pas le principe gouvernant en droit français la responsabilité civile qui est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.
En allouant à titre de sanction une indemnité telle qu'elle permet à la victime de s'enrichir d'une manière telle que cet enrichissement est dépourvu de cause, elle atteint le principe de la proportionnalité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen.