Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 octobre 2006

N° de pourvoi: 05-20139
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 juin 2005), qu'ayant été victime d'une infraction dont il est résulté une atteinte à sa personne, M. X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions afin d'obtenir réparation de son préjudice ;

Attendu que le Fonds de garantie des victimes d'infractions fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à M. X... une somme totale de 8 000 euros, alors, selon le moyen, que le recours des tiers payeurs s'exerce dans la limite de la part d'indemnité qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de celle, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et aux préjudices esthétique et d'agrément ; que le préjudice d'agrément est le préjudice de caractère subjectif résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence, de sorte qu'est exclu le préjudice résultant de la privation des "joies usuelles de la vie" pendant la période d'incapacité temporaire totale qui procède de l'atteinte objective à l'intégrité physique et qui, par son caractère générique et abstrait, ne présente pas de caractère personnel ; qu'en réparant par l'allocation à M. X... d'une somme de 4 000 euros, au titre du préjudice personnel non soumis à recours, "une privation transitoire des joies usuelles de la vie pendant tout le temps qui a séparé le jour de son agression et celui de sa consolidation", la cour d'appel, qui a ainsi indemnisé, au moins pour partie, une atteinte objective à l'intégrité physique de la victime, a violé les articles 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 376-1, alinéa 3, et L. 454-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale, ainsi que l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la victime sollicite la réparation d'une privation transitoire des joies usuelles de la vie pendant tout le temps qui a séparé le jour de son agression et celui de la consolidation, que ce dommage subjectif, qui ne renvoie pas à la gêne objective que l'intéressé a pu ressentir du fait du handicap dans l'accomplissement des actes personnels de la vie quotidienne, peut, sous cette qualification, être inscrit au rang des dommages strictement personnels et à ce titre être exclu de l'assiette de la créance soumise à recours ; qu'en l'espèce il est établi notamment par les expertises que M. X... a subi un stress post-traumatique qui l'a amené à arrêter ses activités extra-professionnelles telle la présidence d'un club de football et l'entretien de son potager ;

Que de ces constatations et énonciations faisant ressortir que la somme allouée au titre du préjudice d'agrément pendant la période d'incapacité temporaire totale indemnisait les seuls troubles de caractère subjectif, la cour d'appel a pu déduire que cette indemnité était de caractère personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2006 II N° 254 p. 235

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 mars 2015

N° de pourvoi: 14-10758
Publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 octobre 2013), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.789), que le 13 novembre 1999 est survenu un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Mathieu X..., assuré auprès de la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF), et celui conduit par M. Y..., assuré auprès de la société Abeille assurances, aux droits de laquelle vient la société Aviva assurances (l'assureur) ; que l'assureur a saisi un tribunal de grande instance pour voir déterminer l'étendue du droit à réparation de chaque conducteur ; que les parents de M. Mathieu X..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur Lucas (les consorts X...), et la MAIF sont intervenus volontairement à l'instance ; que, saisie d'un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 24 juin 2008, liquidant les préjudices de M. Mathieu X..., la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu'il limitait à un cinquième le droit à indemnisation de M. Mathieu X... ; que saisie d'un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 20 juin 2011 rendu par la cour de renvoi, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de fixer le préjudice de M. Mathieu X... au titre de la tierce personne temporaire à une somme nulle, de limiter à la somme de 120 687 euros l'indemnisation due à M. Mathieu X... au titre de la tierce personne permanente, de juger que la somme totale revenant à M. X..., avant déduction des provisions déjà versées par la société Aviva, s'élevait à la seule somme de 234 914,79 euros et de condamner la société Aviva à verser à M. Mathieu X... la somme de 114 569,39 euros après déduction du montant des provisions versées dont le montant s'élève à 120 345,40 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que l'expert judiciaire M. Z..., dans son rapport déposé le 4 mars 2003, a conclu que « le déficit fonctionnel (de M. Mathieu X...) et sa nature nécessite une surveillance et une gestion par l'entourage familial, avec d'importantes difficultés à vivre seul nécessitant d'organiser la vie en milieu protégé, au mieux familial ou en cas d'impossibilité en famille d'accueil » ; que pour conclure ainsi, l'expert a notamment relevé qu'« il apparaît nécessaire d'envisager des mesures de protection pour éviter autant que faire se peut la mise en situation face à un danger », qu'« une surveillance par un membre de la famille paraît nécessaire, en particulier pour prévenir les conséquences des troubles du comportement » et qu'« au regard des troubles cognitifs et du caractère, de leur importance, il paraît nécessaire qu'il puisse vivre dans un "environnement de proximité" et qu'il ne soit pas livré à lui-même (¿) Ce point paraît d'autant plus important au regard des incidents et accidents dont M. X... a pu être victime » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de ce rapport que M. X... ne peut, pour sa sécurité, être laissé seul sans surveillance et que la présence d'un tiers, en permanence, est dès lors nécessaire ; qu'en estimant néanmoins qu'il ne résultait pas du rapport d'expertise judiciaire que la victime doive bénéficier en permanence du concours d'une tierce personne, et en retenant que le besoin d'assistance de M. X... était limité à trois heures par jour, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel a admis qu'il était nécessaire que M. X... bénéficie du concours d'un tiers pour ne pas demeurer isolé face à un danger potentiel, mais considéré que cela ne signifiait pas qu'il doive bénéficier en permanence, y compris pendant son temps de sommeil, d'une tierce personne, ce dont il résulte que si elle a estimé que l'assistance d'une tierce personne n'était pas nécessaire pendant le sommeil de M. X..., elle a en revanche expressément admis qu'une telle assistance était nécessaire tout au long de la journée ; qu'en jugeant néanmoins qu'il convenait d'estimer à trois heures par jour les besoins en tierce personne de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu que sous couvert des griefs non fondés de violation de l'article 1134 du code civil et de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits devant la cour d'appel, qui s'est livrée à la nécessaire interprétation des termes du rapport d'expertise et a souverainement apprécié les modalités de l'indemnisation de la tierce personne ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de fixer le préjudice de M. Mathieu X... au titre du préjudice d'agrément temporaire à une somme nulle, de juger que la somme totale revenant à M. X... avant déduction des provisions déjà versées par la société Aviva s'élevait à la seule somme de 234 914,79 euros et de condamner la société Aviva Assurances à verser à M. Mathieu X... la somme de 114 569,39 euros après déduction du montant des provisions versées dont le montant s'élève à 120 345,40 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge d'exclure l'existence d'un chef de préjudice au prétexte qu'il n'aurait pas été prévu par la nomenclature élaborée par le groupe de travail présidé par M. A..., dépourvue de caractère impératif ; qu'en retenant, pour débouter M. Mathieu X... de sa demande au titre du préjudice d'agrément temporaire, que « la nomenclature ne prévoit pas ce poste de préjudice », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

2°/ que la réparation d'un poste de préjudice d'agrément temporaire distincte de celle du poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire ne peut viser qu'à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs pendant la période d'incapacité temporaire ; qu'en l'espèce, M. Mathieu X... avait fait valoir qu'il avait été, jusqu'à la date de consolidation, dans l'impossibilité de pratiquer le ski et la musique, activités qu'il pratiquait régulièrement avant l'accident ; qu'en affirmant, pour rejeter sa demande à ce titre, que le préjudice d'agrément temporaire était inclus dans le déficit fonctionnel temporaire, sans rechercher, comme elle y était invité, si la victime avait été, du fait de l'accident, privée de la possibilité de pratiquer des activités sportive et de loisirs pendant la période d'incapacité temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu que pour rejeter la demande de la victime au titre du préjudice d'agrément temporaire, l'arrêt retient que ce préjudice est inclus dans le déficit fonctionnel temporaire ;

Qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite du motif surabondant visé par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt, qui a jugé que la somme totale revenant à M. Mathieu X... avant déduction des provisions déjà versées par la société Aviva s'élevait à 234 914,79 euros, de condamner la société Aviva assurances à lui verser la somme de 114 569,39 euros après déduction du montant des trois provisions versées dont le montant s'élève à 120 345,40 euros ;

Mais attendu que le grief qui tend à dénoncer une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile ne donne pas ouverture à cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du mardi 16 avril 1996
N° de pourvoi: 94-13613
Publié au bulletin Cassation partielle.

Président : M. Zakine ., président
Rapporteur : M. Michaud., conseiller rapporteur
Avocat général : M. Joinet., avocat général
Avocats : la SCP Monod, la SCP Célice et Blancpain., avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le premier moyen :
Vu l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que le mineur Alain X... a été tué dans un accident de la circulation dont les époux Dertu assurés à la société Allianz Via Iard n'ont pas contesté être tenus à réparation, que les consorts X... ont assigné ceux-ci en réparation de leurs préjudices ;

Attendu que pour évaluer le préjudice moral subi par le frère et la soeur de la victime, l'arrêt énonce qu'il n'est pas allégué que celle-ci vivait sous le même toit ou était leur soutien de famille ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... ayant en cause d'appel demandé la confirmation du jugement d'où il résultait que la soeur d'Alain X... et son frère vivaient avec lui sous le toit de leurs parents, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

Sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter les oncles et tantes de la victime de leurs demandes en réparation d'un préjudice moral, l'arrêt énonce qu'ils ne font pas preuve de liens affectifs particuliers les unissant à la victime avant son décès ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la seule preuve exigible était celle d'un préjudice personnel direct et certain, la cour d'appel a violé par refus d'application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le préjudice moral des frère et soeur et des oncles et tantes de la victime, l'arrêt rendu le 14 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Publication : Bulletin 1996 II N° 94 p. 59