Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 16 janvier 2014

N° de pourvoi: 13-10566
Publié au bulletin Cassation partielle


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions que M. X... a été victime de violences ayant entraîné une mutilation dont l'auteur a été condamné par une juridiction pénale ; qu'il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) d'une demande en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité devant être versée à M. X... au titre du préjudice patrimonial, alors, selon le moyen, que constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que le préjudice hypothétique ne peut donner lieu à indemnisation ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. Alban X..., âgé de 17 ans et demi au moment de l'accident, titulaire d'un brevet des collèges, n'avait pas encore l'âge ni la formation suffisante pour reprendre l'activité de forains exercée par ses parents et que ceux-ci n'avaient pas l'âge pour y mettre fin en prenant leur retraite et en lui cédant leurs manèges et le matériel ; qu'en décidant néanmoins que M. Alban X... avait été privé de la chance de reprendre avec succès l'activité de ses parents aux motifs inopérants que dans l'optique de cette reprise d'activité il les aidait dans leur exploitation, sans dire en quoi cette perte de chance était certaine et en relation directe avec le fait dommageable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... envisageait de reprendre l'activité de ses parents, forains, qu'il les aidait dans leur exploitation et que cette aide le formait à son futur métier ; que la cécité de son oeil gauche, séquelle des violences subies, lui interdit de passer un permis de conduire poids-lourds, composante importante de l'exercice de la profession de forain ; qu'il peut se prévaloir d'une perte de chance de reprendre avec succès l'activité de ses parents ;

Qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats ;

Attendu que, pour fixer à une certaine somme l'indemnité devant être versée à M. X... au titre du préjudice extra-patrimonial, l'arrêt énonce notamment que le préjudice permanent exceptionnel sera réparé par l'allocation d'une indemnité, le rapport d'expertise judiciaire soulignant l'impact psychologique des séquelles visibles sur la vie affective et familiale de la victime ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique par ailleurs indemnisés, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2014, II, n° 13