Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 13 juillet 2000

N° de pourvoi: 99-10425
Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 12 novembre 1998), que M. X..., se plaignant des dommages causés au muret séparatif, en limite de sa propriété, par les racines du chêne implanté sur le fonds de M. Y..., a saisi un tribunal d'instance afin d'obtenir l'abattage de l'arbre ainsi que le paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, 1 ) que, statuant sur une action fondée sur la notion de trouble de voisinage, les juges du fond, pour refuser une mesure destinée à faire cesser le trouble et le paiement de dommages-intérêts, doivent constater l'absence d'inconvénients anormaux du voisinage et l'existence d'une autre mesure pour faire cesser le trouble ; en refusant d'abattre l'arbre litigieux et d'accorder des dommages-intérêts, aux motifs inopérants "qu'il s'ensuit que M. Y... a régulièrement acquis, par prescription trentenaire, le droit de conserver son chêne en l'état" et que "la présence du chêne est antérieure à la mise en place d'une clôture par M. X...", et qu'il peut "exercer éventuellement les droits qui lui sont reconnus par l'article 673 du Code civil", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 du Code civil ; 2 ) que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ; que l'appréciation de la normalité du trouble doit être faite en fonction de l'importance du trouble au regard des circonstances de temps et de lieu ; qu'en l'espèce, en refusant d'ordonner l'abattage de l'arbre et de lui accorder des dommages-intérêts aux seuls motifs que les "dégâts occasionnés au muret de clôture" sont des "inconvients" n'excédant pas les "gênes normales de voisinage", la

cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 du Code civil ; 3 ) qu'il résulte du jugement entrepris et de l'expertise, rapportée par la cour d'appel, qu'en l'état de la progression constante de ses racines, l'arbre était, au moins pour partie, à l'origine directe de la dégradation progressive du muret ; que dès lors, le déboutant de ses demandes, au motif inopérant "qu'en conséquence ce n'est pas seulement ce végétal, mais aussi la disposition naturelle des lieux qui ont entraîné le désordre dont se plaint M. X...", la cour d'appel a violé les articles 544 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la présence du chêne âgé d'environ 70 ans est antérieure à la mise en place d'une clôture par M. X..., qu'il appartenait à celui-ci de tenir compte des inconvénients que pouvait entraîner en milieu rural une telle situation, que les dégâts occasionnés au muret de clôture sont dus à la "poussée conjointe des terres et des racines latérales" de l'arbre et qu'en application de l'article 673 du Code civil, M. X... pouvait couper les racines sur sa propriété ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, sans statuer par un motif d'ordre général, a, par ces seuls motifs, souverainement estimé que les troubles invoqués n'étaient pas anormaux ; qu'elle a ainsi légalement justifié a décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;