- X... Véronique, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27
octobre 2005, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à
6 mois d'interdiction d'exercice d'activité professionnelle, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3,
221-6, 221-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale
;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Véronique
X..., épouse Y..., coupable d'homicide involontaire, en répression,
a prononcé l'interdiction pour une durée de six mois d'exercer
l'activité professionnelle de médecin spécialiste en endocrinologie
métabolismes, diabétologie et gynécologie médicales,
et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, "d'une part, en présence des symptômes
que présentait Elise Z... dans la matinée du 25 janvier 2000,
il y avait à craindre l'évolution de son état dans le sens
d'un coma diabétique pouvant être mortel s'il ne faisait pas l'objet
d'un traitement adapté, ce qui rendait urgentes des investigations permettant
de mettre en évidence les mesures thérapeutiques nécessaires,
ces investigations consistant dans la vérification des paramètres
vitaux de la personne et dans les examens sanguins relatifs au taux de glycémie
; d'autre part, en l'absence de contrôle immédiat de la glycémie
capillaire ou de vérification de la présence de corps cétoniques
dans les urines, diligences qui auraient pu donner au praticien une première
information fiable, l'état de la patiente imposait à Véronique
Y... X... de suivre de près la suite qui serait donnée à
ses prescriptions et, en l'absence de manifestation de la patiente elle-même
ou de transmission directe des résultats de l'analyse en provenance du
laboratoire, de s'enquérir des résultats des analyses qu'elle
avait prescrites ; en effet, il est établi par les différentes
expertises que la mort d'Elise Z..., survenue dans la nuit du vendredi 28 au
samedi 29 janvier 2000, est imputable à un coma diabétique ayant
provoqué l'absorption de liquides et d'aliments par l'arbre respiratoire
; il appartenait à Véronique Y... X..., qui connaissait son état
antérieur et qui était en possession, le 25 janvier 2000, d'un
tableau clinique laissant apparaître un tel risque, d'appréhender
la situation dans sa totalité en procédant elle-même aux
vérifications qu'elle pouvait faire ; à cet égard, il n'est
pas discuté qu'elle disposait de l'appareil nécessaire pour pratiquer
un "dextro" qu'elle pouvait utiliser ; d'autre part, l'urgence de
la situation rendait nécessaire un suivi, de telle sorte que le retard
dans la communication des résultats devait d'autant plus l'alerter qu'elle
affirme dans ses conclusions (page 14) avoir insisté auprès d'Elise
Z... pour qu'elle effectue ses analyses dès le lendemain matin 26 janvier
(sans pour autant attirer l'attention du laboratoire par une mention écrite
sur la prescription) et donc susciter de sa part une initiative auprès
de sa cliente dont elle connaissait les coordonnées ; de même,
dans ce contexte d'urgence, la réception du fax l'informant d'une communication
téléphonique émanant d'un médecin qui "voulait
lui parler des résultats d'Elise Z..." ne devait pas rester sans
suite comme ce fût le cas ;
en s'abstenant de procéder à ces diligences, Véronique
Y...-X... s'est privée des moyens de poser le diagnostic exact et complet
de l'état de la patiente et de prendre les mesures thérapeutiques
nécessaires en un temps où elles auraient été encore
efficaces ; par ces abstentions, qui sont ainsi la cause directe du décès
d'Elise Z..., Véronique Y...-X... n'a pas accompli les diligences normales
qui lui incombaient compte tenu de ses fonctions, de ses compétences
et des moyens dont elle disposait, ce qui constitue les fautes d'imprudence
et de négligence caractérisant le délit d'homicide involontaire
visé à la prévention" ;
"1 ) alors que, le fait de causer par imprudence ou négligence la
mort d'autrui constitue un homicide involontaire ;
qu'en retenant que les symptômes présentés par la victime
dans la matinée du 25 janvier 2000 appelaient une réaction et
un suivi immédiats de la part de la prévenue, sans répondre
aux conclusions du docteur Y... qui faisait valoir que, lors de la consultation
du 25 janvier, en l'absence d'antécédents médicaux caractérisés,
les symptômes présentés par la victime, qui se limitaient
à une mycose externe et vaginale importante, une surcharge pondérale
stable et une soif exceptionnelle, ne faisaient pas apparaître un état
de santé particulièrement inquiétant, ni ne laissaient
craindre une détérioration rapide et fatale, la cour d'appel n'a
pas justifié légalement sa décision ;
"2 ) alors que, le délit d'homicide involontaire suppose
un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, lequel consiste,
non en une perte de chance de survie, mais dans le décès de la
victime ; qu'en retenant que la prévenue s'était rendue coupable
du délit d'homicide involontaire en se privant des moyens de poser le
diagnostic exact et complet de l'état de sa patiente et de prendre les
mesures thérapeutiques nécessaires en un temps où elles
auraient été encore efficaces, sans constater ni que ces mesures
auraient permis d'éviter le décès de la victime de manière
certaine, ni que les carences imputées à la prévenue avaient
privé la victime, de manière tout aussi certaine, de toute chance
de survie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
;
"3 ) alors que, lorsque le lien de causalité entre le comportement
du prévenu et le décès est seulement indirect, le délit
d'homicide involontaire n'est constitué que si ledit prévenu a
violé de façon manifestement délibérée une
obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue
par la loi ou le règlement, ou a commis une faute caractérisée
exposant autrui à un risque d'une particulière gravité
qu'il ne pouvait ignorer ; que le lien de causalité pouvant exister entre
le défaut de surveillance d'un patient présentant un taux de glycémie
élevé et le décès est seulement indirect, la cause
directe étant constituée par le coma diabétique ;
qu'en décidant néanmoins que le lien de causalité entre
l'imprudence et la négligence du docteur Y... et le décès
de la victime était direct, pour en déduire que toute faute d'imprudence
ou de négligence était de nature à engager la responsabilité
pénale de la prévenue, la cour d'appel a violé les textes
susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Elise Z... est décédée à son domicile au cours de la nuit du 28 au 29 janvier 2000, à l'âge de 21 ans, des suites de l'inhalation bronchique de liquides et d'aliments pendant une crise de coma diabétique ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur les circonstances de son décès, Véronique Y..., docteur en médecine, spécialiste en endocrinologie, gynécologie médicale et pathologie de la reproduction, qu'elle consultait régulièrement depuis le 9 octobre 1998 pour un hirsutisme, une surcharge pondérale et des affections gynécologiques, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire ;
Attendu que, pour déclarer Véronique Y... coupable de ce délit,
l'arrêt, après avoir relevé qu'elle avait reçu, le
25 janvier 2000, en urgence, la patiente, qui se plaignait d'une soif intense
l'obligeant à boire quatre litres d'eau par jour, retient que le médecin
s'est borné à lui prescrire par ordonnance des examens sanguins
de dosage de la glycémie, sans en mentionner l'urgence ni prescrire de
vérification du taux d'acétone dans les urines, et sans avoir
utilisé l'appareil de lecture automatique équipant son cabinet
; que les juges en concluent que la prévenue, qui avait posé un
diagnostic d'hyperglycémie dès le 18 décembre 1998 et qui
était en possession, le 25 janvier 2000, d'un tableau clinique révélant
le risque d'une évolution vers un coma diabétique mortel, n'a
pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu des moyens
dont elle disposait, et a ainsi commis des fautes d'imprudence et de négligence
qui sont la cause directe de la mort de la victime ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la cour d'appel
a retenu que Véronique Y... avait causé directement le dommage,
la censure n'est pas pour autant encourue, dès lors qu'il résulte
des propres constatations de l'arrêt que la prévenue, qui n'a pas
pris les mesures permettant d'éviter le dommage, a commis une
faute caractérisée exposant autrui à un risque
d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, au sens
de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que Véronique Y... devra payer aux
parties civiles au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale
;
Publication : Bulletin criminel 2006 N° 219 p. 772
JCP G, 2007-01-17, n° 3, II-10006, p. 31-33, obs. Thierry FAICT et Patrick
MISTRETTA.
D 2007, Panorama droit pénal p. 401, obs. Solange Mirabail