Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 22 mars 2005 Rejet
N° de pourvoi : 04-84459
Inédit
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date
du 24 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Samir A..., Patrick
B... et Jean-Louis C... pour homicide involontaire, les a déboutés
de leurs demandes ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en
défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6
du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut
et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les docteurs
A..., B... et C... non coupables d'homicide involontaire et a débouté
les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que les contre-experts ont effectivement, en procédant
à une analyse chronologique a posteriori des faits par l'étude du
dossier médical et l'audition de sachants, relevé au cours des soins
et du suivi médical, un certain nombre d'anomalies qui, chacune prise isolément,
n'auraient pas été susceptibles d'entraîner la mort, mais
qui, par leur sommation, ont abouti à une complication postopératoire
gravissime dont la prise en charge a été inadaptée et trop
tardive, en dépit d'un acte de réintervention chirurgicale conforme
aux règles et d'une réanimation postopératoire correctement
conduite, et que cette succession d'attitudes diagnostiques et thérapeutiques
non conformes aux bonnes pratiques détermine les responsabilités
à chaque étape de la prise en charge ; qu'ils concluent également
qu'une prise en charge différente par le service de chirurgie de l'hôpital
Intercommunal de Créteil aurait pu apporter à Christiane X..., plus
de chances de survie ; qu'à l'audience, le docteur Z... précise
que si le tableau clinique présenté par la malade aurait dû
conduire les chirurgiens à se donner les moyens intellectuels afin de parvenir
plus tôt au diagnostic, c'était sans assurance de sauver la patiente
; que les experts et toutes les publications médicales s'accordent pour
constater un taux de mortalité élevé dans ce type d'intervention
et, en l'espèce, selon le professeur Jacques D..., devant la Cour, supérieur
à 25 %, voire 30 % ; que, dès lors, les anomalies relevées
comme le souligne in fine le tribunal, à défaut de rapporter la
preuve d'un lien de causalité certain, qu'il soit direct ou indirect, avec
le décès, n'ont eu pour effet que de constituer une
perte de chance de survie, exclusive de la prévention visée,
et, en l'espèce, de la compétence sur intérêts civils
de la juridiction répressive ;
"alors, d'une part, que l'article 221-6 du Code pénal punit
quiconque aura été involontairement la cause d'un homicide ;
que ce texte n'exige pas que cette cause soit directe et immédiate ;
qu'il suffit que l'existence du lien de causalité soit certaine ; qu'en
l'espèce, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, admettre, d'une part,
que les anomalies relevées sont en relation directe avec le décès
de la patiente et, d'autre part, que le lien de causalité entre ces anomalies
et le décès n'est pas établi ;
"alors, d'autre part, que la faute caractérisée exposant
autrui à un risque d'une particulière gravité privant le
patient de toute chance de survie caractérise l'homicide involontaire
; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt
attaqué et des conclusions du rapport d'expertise du professeur D... et
du docteur Z... que les fautes commises par les différents médecins,
notamment concernant leur attitude passive face à une situation gravissime
et aussi quant à leur atermoiement décisionnel, sont particulièrement
graves ; que les fautes caractérisées qui ont exposé le patient
à un risque d'une particulière gravité que les prévenus
ne pouvaient ignorer, privant Christiane X... de toute chance de survie, établissent
l'homicide involontaire ; que, pour en avoir autrement décidé, la
cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences
légales qui s'en évinçaient nécessairement, en violation
des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que Christiane X... a été admise d'urgence
à l'hôpital, le 3 octobre 1996, pour être opérée
le lendemain d'une occlusion de l'intestin grêle et d'un kyste de l'ovaire
; que l'intervention mettait en évidence un cancer du côlon qui
conduisait le chirurgien à pratiquer une ablation totale de la tumeur
; que l'état de la patiente s'est dégradé à partir
du 11 octobre et que, le 15 octobre, une péritonite a été
diagnostiquée ; qu'une nouvelle intervention a été pratiquée
le 16 octobre et que Christine X..., transférée au service de
réanimation, est décédée le 20 octobre des suites
d'une septicémie ; que Patrick B..., chef du service de chirurgie, Samir
A... et Jean-Louis Cohen Solal , chirurgiens dans ce service, ont été
poursuivis pour homicide involontaire et ont été relaxés
par le tribunal correctionnel ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt, statuant
sur les appels des parties civiles et du ministère public, retient que
les contre-experts ont constaté un certain nombre d'anomalies, au cours
des soins et du suivi médical, qui, prises isolément, n'auraient
pas été de nature à entraîner la mort de Christiane
X..., mais qui, "par leur sommation", ont abouti à une complication
postopératoire gravissime, dont la prise en charge a été
trop tardive et inadaptée, les chances
de survie de la patiente s'en trouvant amoindries ; que, cependant,
les juges relèvent, d'une part, qu'à l'audience, un expert a précisé
qu'un diagnostic plus précoce n'aurait pas constitué l'assurance
de sauver la malade et, d'autre part, que les experts et la littérature
médicale s'accordent pour observer un taux de mortalité
élevé dans ce type d'intervention ; que la juridiction
du second degré en conclut que, Christiane X... ayant seulement
été privée d'une chance de survie, il n'existe pas de relation
certaine de causalité entre son décès et les anomalies
médicales constatées ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de
son appréciation souveraine et d'où il résulte que le délit
d'homicide involontaire n'est pas constitué, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;