Le droit pénal face aux codes de bonne conduite.

V. Wester-Ouisse, Revue de sciences criminelle 2000, n° 2, p. 351

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Par crainte d’un opprobre collectif ou d’une fatale maladresse, les milieux professionnels en tout genre se dotent de Codes de déontologie qui recoupent en partie les incriminations susceptibles de leur être reprochées. On observe alors une contractualisation du droit pénal puisque c’est par conventions que les professionnels s’engagent à respecter les lois répressives. Si ces codes peuvent prétendre à une valeur intrinsèque lorsqu’ils se dotent de moyens de rétorsion, il semble a priori qu’ils ne puissent en aucun cas intéresser le juge pénal : le principe de légalité criminelle interdit aux juridictions de considérer des éléments qui ne seraient pas préalablement prévus par la loi.
Pourtant, les juridictions pénales pourraient tenir compte de ces codes de bonne conduite. Certains peuvent être rapprochés des usages qui, contre toute attente, ont déjà pu être utilisés par la jurisprudence pour caractériser des infractions.



Ces chartes, en expansion si soudaine et si massive, révèlent les rapports complexes et ambigus liant le monde des affaires et la
loi pénale (I) ; elles pourraient, à terme, être prises en compte dans la jurisprudence pénale (II).

I – Codes de bonne conduite et loi pénale.
A – L’objectif : évitement des sanctions pénales.
B – Le résultat : renfort du droit pénal.
II – Code de bonne conduite et jurisprudence pénale.
A - Quelques références aux usages par le juge pénal.
B - Tentative de rapprochement des divers Codes de bonne conduite de la notion d’usage.
a - Un rapprochement pavé d’obstacles.
b - Quelques cas d’utilisation de ces conventions de bonne conduite par le juge pénal.
c - Intérêt de cette qualification d’usage.



Brève bibliographie :

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ACTUALISATION

Cour de Cassation Chambre criminelle
Audience publique du 7 novembre 2006 ; Rejet

N° de pourvoi : 06-80318

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 8 décembre 2005, qui, sur renvoi après cassation, les a condamnées pour tromperie, chacune à 10 000 euros d'amende ;
(...)
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 213-1, L. 213-3, L. 213-6, L. 216-2 et L. 216-3 du code de la consommation, 111-2, 121-2, 121-4, 121-5, 122-3 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

 

"en ce que l'arrêt a condamné les sociétés SA Got, SA Z... et Fils, SARL Herouard, SAS Marée Coquillages et Crustacés, SARL Distrimer et SA Armement Rémy et Compagnie du chef de tromperie et tentative de tromperie sur les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise en vendant des noix de coquilles Saint-Jacques dont le taux d'humidité aurait été fortement augmenté par imbibition d'eau douce et de les avoir, en conséquence, condamnées à payer chacune une amende de 10 000 euros ;

"aux motifs que l'article L. 213-1 du code de la consommation incrimine le fait pour quiconque qu'il soit ou non partie au contrat, de tromper ou tenter de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers : 1 ) soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; 2 ) soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ; dans le cas présent, les sociétés prévenues ont vendu et proposé à la vente des noix de coquilles Saint-Jacques auxquelles a été incorporée, par imbibition obtenue au moyen d'un trempage, une quantité d'eau faisant diminuer la teneur en protéines qui passe en moyenne de 17 % à 12,5 %, les taux d'humidité relevés allant de 81,7 % à 85,7 %, ce qui constitue une altération de la composition de ces mollusques pectinidés par rapport à leur état naturel d'origine avec pour conséquence la tromperie des acheteurs auxquels il n'est donné aucune information sur un traitement qui, ayant pour effet de modifier le rapport normal entre la teneur en humidité et la teneur en protéines au détriment de celles-ci, entraîne une altération des qualités substantielles et une modification de la teneur en principes utiles de cette marchandise ; le fait que le rapport entre l'humidité et les protéines excède dans ce cas la valeur maximale de 5 fixée par la note de service précitée en date du 23 août 1988 - laquelle n'est pas retenue, comme énoncé ci-dessus, en tant que texte pouvant fonder une incrimination - n'est pas de nature à entraîner, comme le prétendent les sociétés prévenues, une distorsion de traitement du fait d'une " application distributive interne " s'opposant à une exonération injustifiée dont bénéficierait les produits de la mer venant de l'importation ; en effet, rien ne permet de dire que la mise en vente de tels produits échapperait aux dispositions précitées de l'article L. 213-1 du code de la consommation ; d'autre part, et contrairement à ce qu'elles prétendent, les sociétés prévenues ne justifient d'aucune nécessité technique, consacrée ou non par un usage, qui imposerait le trempage comme seul procédé de rinçage efficace des coquilles Saint-Jacques ; l'attestation donnée le 15 novembre 2005 par André Y..., armateur de plusieurs bateaux spécialisés dans la pêche à la coquille Saint-Jacques et patron de bateau depuis 1952, d'une pratique ancienne et généralisée du trempage des noix de coquilles Saint-Jacques n'enlève rien à son caractère répréhensible et sa prétendue nécessité pour le nettoyage et la présentation est démentie par les constatations des fonctionnaires de la DGCCRF ayant procédé aux prélèvements de comparaison chez certains mareyeurs qui ne trempent pas les noix décoquillées avant la vente mais les lavent simplement à la douchette sur grille, technique qui permet un bon nettoyage des noix destinées aux clients recherchant un haut niveau de qualité des produits lorsque, notamment, ceux-ci sont destinés à la surgélation ;

cette prétendue nécessité de l'opération de trempage est également démentie par les déclarations d'Yves Z... en date du 11 mars 2003 ; les faits retenus dans la poursuite constituent donc le délit précité de tromperie ou de tentative de tromperie et il y a lieu de les requalifier en ce sens ;
"1 ) alors qu'une condamnation ne saurait être fondée sur la méconnaissance des prescriptions d'une simple note dépourvue de force légale ; que la violation d'une simple note de service ne saurait dès lors caractériser l'élément matériel du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une denrée alimentaire ;

qu'en retenant que le délit de tromperie et la tentative de tromperie sur les qualités substantielles des coquilles de noix de Saint-Jacques étaient constitués dès lors que le procédé de trempage rendait la marchandise non conforme aux prescriptions de la note de service en date du 23 août 1988, bien qu'une telle note n'ait eu aucune valeur contraignante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2 ) alors qu'en l'absence de toute réglementation, les usages professionnels, même s'ils ne sont pas suivis par tous, déterminent les procédés de fabrication et la composition d'une denrée alimentaire ; qu'en écartant l'existence d'un usage professionnel justifiant le trempage des coquilles de noix de Saint-Jacques dans de l'eau douce afin de les dessabler au motif que cet usage n'était pas suivi par l'ensemble des professionnels et notamment par ceux qui entendaient conférer une qualité optimale à leurs mollusques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3 ) alors que le délit de tromperie sur les qualités substantielles des denrées alimentaires suppose un élément intentionnel ; que n'est pas pénalement responsable, la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en présence d'un usage immémorial relatif au trempage des noix de Saint-Jacques dans de l'eau douce afin de les dessabler, usage qui n'a jamais été remis en cause par une quelconque réglementation, les demanderesses étaient fondées à considérer, de façon légitime, qu'une telle pratique n'était pas de nature à tromper les consommateurs ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre des sociétés demanderesses du chef de tromperie sur les qualités substantielles de denrées alimentaires, bien que celles-ci aient légitimement pu croire que la pratique du trempage, admise par la profession, ne pouvait induire en erreur les consommateurs dans la mesure où elle n'avait pour unique dessein que de rendre présentables les mollusques, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un contrôle des noix de coquilles Saint-Jacques détenues, en vue de leur vente, par diverses sociétés commerciales de Dieppe, ainsi que par plusieurs de leurs revendeurs, a révélé que les opérations indispensables pour la présentation de ces mollusques, comportant le décoquillage, l'éviscération et un nettoyage à l'eau douce pendant quelques minutes, étaient suivies d'une opération de "trempage" impliquant un séjour dans l'eau de plusieurs heures qui permettait d'accroître le taux d'humidité du produit au détriment de la proportion de protéines ;
Attendu que, pour déclarer les prévenues coupables de tromperie, l'arrêt, après avoir expressément écarté l'application d'une note administrative relative à la proportion admissible d'humidité dans les noix de coquilles Saint-Jacques, retient que le procédé du trempage, qui entraîne, sans que les consommateurs en soient informés, une altération des qualités substantielles ainsi qu'une modification de la teneur en principes utiles de cette marchandise, ne correspond pas à un usage professionnel établi ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de l'existence d'un usage professionnel, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, et qui est mal fondé en ses autres branches, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois

Publication : Bull. n° 274

 

Les usages commerciaux supplantent même le traité de 57 ! Voyez cet arrêt du 15 mai 2001.
En revanche, les arrêtés préfectoraux s'inclinent devant le traité (crim 16 juin 86, B 206) ...

Cour de Cassation Chambre criminelle
Audience publique du 15 mai 2001 ; Rejet
N° de pourvoi : 00-84279

Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 28, 29 et 30 du Traité CEE, 8 et 9 de la directive n° 83-189 CEE du 28 mars 1983 telle que modifiée par la directive n° 88-182 CEE du 22 mars 1988, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :

 

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, Jean-Paul Defouilhoux, coupable du délit de tromperie sur la nature ou les qualités substantielles de jambons cuits supérieurs et l'a, en conséquence, condamné à une amende de 250 000 francs ;
" aux motifs que si la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes s'est fondée, pour les références de ses analyses chimiques, aux taux établis par le code des usages de la charcuterie dans sa version d'avril 1993, édité par le Centre technique de la salaison, de la charcuterie et des conserves de viandes, la Cour constate qu'il existe des usages dans la profession et qu'il en résulte que la composition des produits fabriqués par la société Chelloise de Salaisons et composés de jambon et d'épaule ne pouvait recevoir la dénomination de "jambon supérieur" indiquée sur l'étiquette ; qu'à cet égard, les considérations de la défense, sur l'applicabilité du code des usages de la charcuterie et sur l'éventuelle non-conformité de ce texte avec les directives communautaires, sont sans effet sur l'existence d'un usage professionnel effectif en France, et même d'un usage commun, admis par le consommateur, qui réserve l'appellation jambon supérieur à la cuisse du cochon (le jambon), sans adjonction d'autre viande, et qui interdit l'appellation de jambon supérieur à un mélange plus ou moins compact d'épaule et de jambon qui n'a pas les mêmes qualités énergétiques et qui peut se distinguer objectivement du jambon supérieur par des analyses scientifiques complexes ; qu'il appartenait aux prévenus, qui sont des professionnels avertis, de se conformer aux usages commerciaux et à la définition courante du jambon supérieur ; que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, visé à l'ordonnance de renvoi, est donc bien caractérisé dans tous ses éléments, qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de retenir les mis en cause dans les liens de la prévention ;
" alors que, d'une part, la directive n° 83-189 CEE du 28 mars 1983, telle que modifiée par la directive n° 88-182 CEE du 22 mars 1988 ayant pour objectif de protéger la libre circulation des marchandises par un contrôle préventif, impose aux Etats membres, comme moyen essentiel pour la réalisation de ce contrôle communautaire, une procédure de notification de tout projet de règle technique concernant les caractéristiques requises pour un produit ; que les articles 8 et 9 de cette directive doivent être interprétés en ce sens que les particuliers peuvent s'en prévaloir devant le juge national auquel il incombe de refuser d'appliquer une règle technique nationale qui n'a pas été notifiée conformément à la directive ; qu'en l'espèce, en faisant application, sous couvert d'un usage professionnel effectif en France et commun, d'une règle technique prescrite par le Code des usages de la charcuterie et relative aux caractéristiques requises pour qu'un produit puisse bénéficier de l'appellation "jambon supérieur", et en refusant dès lors de rechercher comme elle y était invitée si cette règle technique était opposable à Jean-Paul Defouilhoux bien qu'elle n'ait pas fait l'objet de la procédure de notification précitée, la Cour, qui n'a par ailleurs même pas constaté que l'usage imposant la règle technique dont elle a ainsi fait application existait antérieurement à l'entrée en vigueur des directives précitées, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" alors que, de deuxième part, à considérer subsidiairement cet usage comme indépendant du code des usages de la charcuterie, l'arrêt ne pouvait, sans méconnaître le principe du respect des droits de la défense et du droit au procès équitable, fonder sa décision sur un tel usage sans indiquer les éléments de preuve dont il résulterait et vérifier qu'ils auraient été soumis à un débat contradictoire ;
" alors que, d'autre part, toute norme d'origine privée qui a un caractère obligatoire est une mesure au sens des articles 28 et 29 CEE alors même qu'elle n'émane pas de l'Etat lui-même ; qu'en l'espèce, l'usage français qui réserverait, hors de toute exigence requise par le droit communautaire, la dénomination "jambon supérieur" à la cuisse de cochon sans adjonction d'autre viande et de certains additifs étant susceptible d'entraver les échanges intracommunautaires de jambon, constituerait une mesure d'effet équivalent qui ne serait applicable qu'à la condition d'être nécessaire et proportionnée aux exigences impératives tenant à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs qui ne pourraient être atteintes par d'autres moyens ; qu'en refusant explicitement de rechercher, comme elle y était invitée, si l'usage dont elle a ainsi sanctionné la méconnaissance n'était pas une mesure d'effet équivalent au sens des articles 28 et 29 CEE du traité et si la preuve avait été apportée de sa nécessité et de sa proportionnalité aux exigences impératives qu'il poursuit, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de contrôles effectués, courant 1996 et 1997, par les agents de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes au sein de l'établissement de la société Chelloise de Salaisons, Jean-Paul Defouilhoux, président du conseil d'administration de cette société, est poursuivi pour avoir trompé le consommateur en ayant commercialisé, sous la dénomination " jambon supérieur ", un produit ne pouvant, au regard des usages, bénéficier de cette appellation étant composé d'une forte proportion d'épaule de porc et d'additifs favorisant la rétention d'eau ;
Attendu que le prévenu a fait valoir pour sa défense que les prescriptions du code des usages de la charcuterie et de la salaison constituaient une règle technique qui devait, en application de la directive 83-189-CEE du 28 mars 1983 modifiée, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, être communiquée à la Commission européenne, et qu'à défaut de respect de cette procédure, les dispositions à caractère normatif de ce Code lui étaient inopposables ; qu'il a aussi soutenu que ces usages s'analysaient en une mesure d'effet équivalent constituant une entrave aux échanges intracommunautaires interdite par l'article 30, devenu 28, du Traité instituant les Communautés européennes ; que, le juge répressif ayant l'obligation d'écarter l'application des dispositions internes non conformes au droit communautaire, il a conclu à sa relaxe ;
Attendu que, pour écarter ces moyens de défense et déclarer le prévenu coupable du délit, la juridiction du second degré, après avoir relevé que les analyses des échantillons prélevés établissaient, au regard du code des usages de la charcuterie et de la salaison, que les produits ne pouvaient bénéficier de l'appellation " jambon supérieur ", retient que les considérations du prévenu sur un éventuel défaut de conformité dudit code avec le droit communautaire " sont sans effet sur l'existence d'un usage professionnel effectif en France, et même d'un usage commun, admis par le consommateur, qui réserve l'appellation de jambon supérieur à la cuisse de cochon, sans adjonction de viande " ; que les juges ajoutent qu'il appartenait au prévenu, professionnel averti, de se conformer aux usages commerciaux ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en matière de fraude commerciale portant sur la dénomination d'une denrée alimentaire non réglementée, il appartient aux juges du fond de se référer aux usages commerciaux en vigueur dont ils apprécient souverainement l'existence, et dont la sanction par la loi pénale est nécessaire à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application de l'article 8 du décret du 7 décembre 1984 devenu l'article R. 112-14 du Code de la consommation, transposant la directive 19-112-CEE du 18 décembre 1978 relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, a caractérisé, en tous ses éléments, la tromperie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ce que, s'agissant d'usages commerciaux recueillis par un organisme professionnel, il invoque la directive européenne relative à la procédure d'information dans le domaine des normes et réglementation techniques, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
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Publication : Bull. n° 121

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