Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 5 novembre 2008

N° de pourvoi: 07-17054
Publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2007), que par acte du 21 mai 1996, la société en nom collectif Zodiaque investissement (la société Zodiaque investissement) a vendu un immeuble à usage de bureaux à la société Kalival ; que l'acte de vente stipulait que les locaux entraient dans le champ d'application du décret du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante et que le vendeur déclarait que ces locaux ne contenaient pas d'amiante ainsi qu'il résultait d'une analyse effectuée par le cabinet Socotec le 27 septembre 1995 ; que copie du rapport de la société Socotec était annexée à l'acte de vente ; que le 11 juin 1996, la société Kalival a vendu l'immeuble à la société Sorecim, laquelle l'a revendu le même jour à la société Adir et compagnie, les actes de vente reprenant la même stipulation relative à l'amiante ; que la société Adir et compagnie, se plaignant de ce que le diagnostic amiante établi à l'occasion de travaux de rénovation s'était révélé positif, a, après expertise, assigné en réparation la société Sorecim sur le fondement de la garantie des vices cachés et la société Socotec sur celui de la responsabilité délictuelle ; qu'un jugement a condamné la société Sorecim à payer le coût du désamiantage et la société Socotec à garantir la société Sorecim de cette condamnation ; que la société Socotec et son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), ont exercé une action récursoire contre la société Zodiaque investissement et la société Kalival, laquelle a appelé en intervention forcée la société Boillard, seule associée de la société Zodiaque investissement, dissoute le 10 décembre 2004 ; que la société Guyot, liquidateur de la société Zodiaque investissement, est intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que la société Boillard et la société Guyot font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement de 60 % des sommes réglées par la société Socotec et la SMABTP, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que la date avant laquelle le diagnostic amiante devait être réalisé n'était pas atteinte lors de la vente de l'immeuble par la société Zodiaque investissement ; qu'elle a cependant estimé que celle-ci avait commis une faute en affirmant que l'immeuble vendu ne contenait pas d'amiante, en s'appuyant sur les conclusions du rapport de la société Socotec exécuté au visa de la réglementation alors en vigueur dont elle a constaté qu'il n'avait pas révélé d'amiante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences qui s'évinçaient quant à la faute de la société Zodiaque investissement, celle-ci ne pouvant avoir commis une faute pour avoir annexé un rapport qui avait été établi au regard des normes applicables avant la vente ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel se fondant sur le rapport d'expertise Leseigneur, a retenu qu'il existait de l'amiante dans les flocages que la société Socotec avait analysés, contrairement aux conclusions au rapport que celle-ci avait établi, et que la société Socotec n'avait pas procédé à une visite détaillée et à un recensement exhaustif des locaux, constatations d'où il résultait que le défaut d'analyse complète des locaux par la société Socotec qui l'avait empêchée de révéler la présence d'amiante dans les locaux était constitutif d'une faute dans l'exécution de sa mission par la société Socotec et que cette faute avait fait obstacle à ce que le vendeur informe l'acquéreur de la présence d'amiante dans les locaux ; qu'en retenant néanmoins que la société Zodiaque investissement avait commis une faute à l'origine du préjudice de la société Socotec en annexant le rapport que celle-ci avait établi et qui aurait dû révéler la présence d'amiante telle qu'elle aurait dû apparaître à la date du rapport, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que conformément à l'article 1382 du code civil, à défaut de lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice allégué, la responsabilité d'une partie ne peut être retenue ; qu'en condamnant la société Zodiaque investissement in solidum à payer 60 % des sommes réglées par la SMABTP et la société Socotec, condamnée à garantir la société Sorecim des condamnations prononcées contre celle-ci à l'égard de la société Adir, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée par la société Guyot dans ses conclusions, si elle pouvait être responsable du dommage subi par la société Sorecim qui avait acquis l'immeuble le 11 juin 1996, soit des dommages réalisés par des ventes postérieures à celle qu'elle avait elle-même conclue et en conséquence, s'il y avait un lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice indemnisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que si la date avant laquelle le diagnostic devait être réalisé n'était pas atteinte lors de la vente de l'immeuble, la société Zodiaque investissement ne pouvait pas, connaissant les dispositions réglementaires nouvelles rappelées dans les actes, affirmer sans avoir fait réaliser ce diagnostic que l'immeuble vendu ne contenait pas d'amiante en s'appuyant pour cela sur les conclusions du rapport de la société Socotec expressément exécuté au visa de la réglementation antérieure, la cour d'appel a pu en déduire que la société Zodiaque investissement avait commis une faute ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la mention relative à l'absence d'amiante résultant du rapport établi par la société Socotec avait été reprise dans les actes de ventes successifs et qu'aucun document n'établissait que la société Kalival avait connaissance de la proposition faite par la société Socotec le 9 juin 1995, par laquelle celle-ci indiquait intervenir dans le cadre de la réglementation alors applicable, de sorte qu'aucune faute n'était démontrée à son encontre, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par la société Zodiaque investissement et le dommage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 3 juin 2008

N° de pourvoi: 07-12017 07-15228
Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1991 et 1994, M. X... a donné en nantissement à la société Banque monétaire et financière (la BMF) des parts de la société civile immobilière Palais Miramar (la SCI), donnant droit à la jouissance et à l'attribution de divers locaux ; qu'en 1996, M. X... a cédé la majeure partie de ces parts à M. Y... et à Mme Z... son épouse (M. et Mme Y...) ; que la BMF, dont les créances étaient devenues exigibles, a alors demandé l'attribution judiciaire des parts nanties à son profit et subsidiairement recherché la responsabilité civile de la SCI, de son gérant la société Cabinet P. Viant, de M. A..., notaire rédacteur de l'acte de cession, et de la société civile professionnelle A... , de Rasque de Laval, Gavault et Eglenne (la SCP) ; que la société Cabinet P. Viant a appelé en garantie son assureur la société AIG Europe ;
que la cour d'appel a rejeté les demandes d'attribution judiciaire, retenu que la société Cabinet P. Viant était seule tenue de réparer le préjudice résultant pour la BMF de la perte des nantissements et dit que la société AIG Europe était fondée à refuser sa garantie ;

(...)

Sur le second moyen du pourvoi n° X 07-15.228 :

Attendu que la société Cabinet P. Viant fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré bien fondé le refus de garantie opposé par la société AIG Europe, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 4-2 A des conventions spéciales de la police n° 7.950.255 souscrite auprès de la compagnie AIG Europe excluait de la garantie "toute contestation relative aux tarifs des prestataires de services ou honoraires des assurés ou aux prix de vente de produits ou matériels, ainsi que le coût de la prestation des assurés et les frais d'adaptation, d'amélioration, de réparation ou de remplacement (que les frais correspondants soient engagés par les assurés ou par un tiers)" ; qu'en affirmant que "l'assureur est bien fondé à opposer l'exclusion prévue par l'article 4-2 A des conventions spéciales écartant du champ de sa garantie toute faute professionnelle commises en cours d'activités autres que celles expressément désignées à l'article 3 des conditions particulières", la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la gérance d'une société civile immobilière qui assure la gestion d'un immeuble constitue une activité de gestion immobilière ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt que la société cabinet Viant était assurée auprès de la société AIG Europe"en sa qualité d'agent immobilier au titre de ses activités de transaction sur immeubles et fonds de commerce et de gestion immobilière" ; que le cabinet Viant soutenait avoir agi dans le cadre de son activité de gestion immobilière dès lors qu'il résultait de l'extrait K bis et des statuts de la SCI Palais Miramar dont il était le gérant que celle-ci avait pour objet d'assurer la gestion d'un bâtiment connu sous le nom d'Hôtel Miramar situé à Cannes boulevard de la Croisette 64 ; qu'en affirmant néanmoins que la faute commise à l'occasion de la cession des parts sociales de cette SCI dont il était le gérant n'était pas couverte par la police sans à aucun moment préciser la nature de l'activité de la SCI Palais Miramar, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, l'article 1-1 de la police d'assurance stipulait que "le présent contrat a pour objet de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle instituée par l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et par l'article 49 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 et définie par l'arrêté du 1er septembre 1972 encourue par l'assuré en raison des préjudices causés aux tiers, à la suite d'une faute professionnelle commise par l'assuré ou les personnes dont il est civilement responsable lorsqu'ils sont dans l'exercice des missions relevant des activités garanties" ; qu'il est constant que l'article 1er de ladite loi n° 70-9 dispose qu'elle est applicable aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, à : 6° la gestion immobilière ; qu'en affirmant néanmoins que la compagnie AIG Europe ne l'avait assurée que pour son activité de syndic, quand la police d'assurance visait plus largement l'activité de gestion immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en l'état des documents contradictoires produits en photocopie par les parties et sans qu'il soit établi que les juges du fond ont statué au vu de l'une ou de l'autre de ces stipulations opposées, la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la réalité de la dénaturation invoquée par la première branche ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la responsabilité de la société Cabinet P. Viant a été retenue à la suite d'une faute commise par elle en sa qualité de gérant de la SCI, à l'occasion d'une cession de parts de cette société et en application d'une stipulation statutaire subordonnant la cession à l'autorisation préalable ou à l'agrément de la gérance, alors que la garantie n'est accordée par la société AIG Europe, aux termes de l'article 3 des conventions particulières de son contrat n° 7.950.255, qu'à l'assuré agissant en sa qualité d'agent immobilier au titre de ses activités de transaction sur immeubles et fonds de commerce et de gestion immobilière ; qu'en l'état de ces constatations desquelles il résulte que la faute génératrice de responsabilité n'avait pas été commise dans l'exercice des activités couvertes par la garantie, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le contrat d'assurance et n'avait pas à faire la recherche inopérante visée à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

(...)

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° H 07-12.017 :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la BMF à l'encontre de la SCI, l'arrêt retient que la banque ne caractérise ni ne démontre une quelconque faute personnellement imputable à cette société, distincte de celle de son gérant et en relation causale avec le préjudice dont elle sollicite réparation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une société répond des fautes qu'elle commet par ses organes agissant dans l'exercice de leurs fonctions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi n° H 07-12.017 :
REJETTE le pourvoi n° X 07-15.228 ;
Et sur le pourvoi n° H 07-12.017 : CASSE ET ANNULE


Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 24 mai 2007

N° de pourvoi: 05-21355
Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'une manoeuvre de marche arrière, le camion-benne de ramassage d'ordures propriété de la société Netra Onyx a heurté et blessé M.X... qui, comme le conducteur, M.Y..., avaient été mis à disposition de cette société par la société Adecco travail temporaire (la société Adecco) ; que M.X... a assigné en réparation la société Adecco, la société Netra Onyx et M.Y..., en présence de la caisse primaire d'assurance maladie (la caisse) ; que la société Axa Corporate solutions, assureur du véhicule, et Mme Z..., épouse X..., sont intervenus volontairement en la cause ;

Sur le premier moyen : (...)

Mais sur le second moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale et les articles L. 231-3-1 et L. 231-8 du code du travail ;

Attendu, selon le dernier de ces textes, que l'employeur est présumé auteur d'une faute inexcusable quand il n'a pas fait bénéficier de la formation à la sécurité renforcée, les salariés sous contrat à durée déterminée et ceux mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail, alors qu'ils ont été affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ;

Attendu que pour débouter la société Adecco de son action en remboursement dirigée contre la société Netra Onyx, entreprise utilisatrice, l'arrêt, après avoir constaté le degré d'implication de la société Netra Onyx dans la mise en oeuvre des mesures de sécurité, en particulier lorsqu'il s'agit d'effectuer une marche arrière, relève qu'elle a effectivement rémunéré M.X... dans le cadre d'un plan de formation et énonce qu'il n'y a pas de raison de penser, sur ce constat, que M.Y... n'avait pas reçu cette formation ;

Qu'en se déterminant ainsi par simple analogie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2007, II, N° 134

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 27 mars 2007

N° de pourvoi: 05-10480
Publié au bulletin Rejet

Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 9 décembre 2004), le navire Wellborn, sous pavillon libérien, qui transportait du manganèse du Gabon vers la Chine, a sombré au cours du voyage, à Port Dauphin (Madagascar), en octobre 1994, sans que rien n'ait pu être tenté pour sauver la cargaison du fait de l'état de délabrement du bateau ; que quatre compagnies d'assurance, dont la société française CGU Courtage, aux droits de laquelle se trouve la société française Groupama transport, ont dû indemniser le destinataire des marchandises, la société Bogay Investment ; que le 3 octobre 2001, la société CGU Courtage a assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre, la société Bureau Veritas qui avait contrôlé la qualité des tôles du navire et délivré après chaque visite, dont la dernière en Chine le 3 octobre 1993, des certificats de navigabilité, en remboursement des sommes qu'elle avait dû verser ;

(...)

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Bureau Veritas reproche à l'arrêt d'avoir appliqué le droit français afin d'indemniser la société CSU Courtage, alors, selon le moyen :
1°/ que les tiers ne peuvent se prévaloir à l'égard des sociétés de classification d'une obligation de soin envers les marchandises transportées sur un navire ayant fait l'objet d'une décision de classification, sauf à ce que soit caractérisé un lien de proximité suffisant entre ces tiers et la société de classification ; qu'il en résulte que sous cette réserve, les sociétés de classification ne sauraient être tenues pour responsables des dommages causés aux marchandises au cours du transport, qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, la responsabilité de la société Bureau Veritas ne pouvait être retenue que si pour autant un lien de proximité suffisant l'unissait au tiers victime des dommages causés aux marchandise ; que faute d'avoir caractérisé l'existence d'un tel lien, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que sans la faute du Bureau Veritas, le Wellborn n'aurait jamais pu prendre la mer, de sorte que le sinistre ne serait pas survenu et qu'en tout cas, la compagnie Groupama n'aurait jamais accepté de garantir la cargaison aux mêmes conditions, la cour d'appel a pu en déduire que la faute du Bureau Veritas était la cause directe du préjudice subi ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2007, I, N° 132