Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 28 janvier 1954 Cassation

N° de pourvoi : 54-07081
Publié au bulletin

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de l'ordonnance législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945 ;

Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur d'organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d'être déduits en justice ;

Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les entreprises qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la direction à l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des règlements qui s'y rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les oeuvres sociales établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à cette gestion ... dans les conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret déterminera notamment les règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités d'entreprises" ;

Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu :
"Dans les entreprises comportant des établissements distincts, il sera créé des comités d'établissements dont la composition et le fonctionnement seront identiques à ceux des comités d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui auront les mêmes attributions que les comités d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; "Le comité central d'entreprise sera composé de délégués élus des comités d'établissements" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du prix d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-Chamond de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son Président, le sieur Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-ci lui a été expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités d'établissements dans une matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut s'interpréter que comme étant l'expression de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux seuls comités d'entreprises, l'existence et le fonctionnement des comités d'établissements devant se confondre avec la personnalité des comités centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne pouvant contracter ou agir en justice que par l'intermédiaire de ces derniers ;

Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que ces derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si les dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2, alinéa 2 de l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles impliquent nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements, celle-ci n'étant pas moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts identiques, dans le champ d'action qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite, violé les articles invoqués au moyen ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE

Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N. 32 P. 20
Jurisclasseur Périodique 1954 II N. 7978, conclusions LEMOINE.
Dalloz 1954 p. 217, note LEVASSEUR.
Droit social 1954 p. 161, note P. DURAND.
La Jurisprudence en droit du travail, n° 133, BRUN.
Sirey, les grands arrêts de droit du travail, p. 213, note Lyon-Caen et Pélissier.
Dalloz, les grands arrêts de la jurisprudence civile, observations Henri CAPITANT, Alex WEILL, François TERRE, p. 39

Sur les comités de groupe
Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 23 janvier 1990 Rejet.

Sur le premier moyen :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 1re chambre A, 10 juin 1986), que la Régie nationale des usines Renault, qui détenait 51 % des actions de la société Renix Electronique - devenue la société Bendix Electronics -, les a vendues le 6 août 1985 à la filiale d'un groupe américain, la société Bendix France, après que, par décision du 2 août 1985, prise sur le fondement de l'article 4, troisième alinéa, du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, modifié par l'article 1er du décret n° 71-144 du 22 février 1971, le ministre de l'économie, des finances et du budget eut autorisé cette cession ; que le comité de groupe Renault, la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat local CGT des travailleurs de la métallurgie Rive Gauche (le comité, la fédération, le syndicat), qui contestaient la régularité de la cession d'une entreprise du secteur public au regard de l'article 34 de la Constitution, ont saisi le tribunal de commerce, statuant en référé sur le fondement de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, d'une demande tendant à obtenir l'interdiction de toute mesure pouvant rendre irréversible la cession litigieuse, en cas d'annulation de celle-ci par les juges du fond, et la désignation d'un mandataire de justice ; que la cour d'appel a accueilli ces demandes ;

Attendu que la société Bendix Electronics fait d'abord grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande du comité, alors que, d'une part, aucune disposition légale ne confère à un comité de groupe la personnalité morale et par conséquent le droit d'ester en justice ; alors que, d'autre part, un tel comité n'a d'autre attribution que de recevoir des informations sur l'activité, la situation financière et l'évolution de l'emploi dans un groupe et n'a pas qualité pour défendre les intérêts collectifs des salariés dudit groupe ; et alors que, enfin, des conclusions d'appel ont été dénaturées ;

Mais attendu, d'abord, que, comme l'a justement énoncé la cour d'appel, les comités de groupe institués par les articles L. 439-1 et suivants du Code du travail sont dotés d'une possibilité d'expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge et possèdent donc la personnalité civile qui leur permet d'ester en justice ;
Attendu, ensuite, que le comité de groupe a, dans le cadre de la mission dont il est investi, qualité pour contester en justice une mesure qui a pour effet de modifier la composition du groupe ;

Qu'ainsi le grief tiré d'une prétendue dénaturation étant sans fondement, le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches :
Sur les deuxième et troisième moyens : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1990 V N° 20 p. 13
Semaine juridique, Edition générale 21529, note M. NEVOT
Semaine juridique, Edition entreprise, 1990-04-26, n° 15755, note M. NEVOT.
Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre, février 1990, n° 2, p. 64, conclusions G. PICCA.
Revue des sociétés, septembre 1990, n° 3, p. 444, note R. VATINET.

 

Sur les comités d’hygiène et de sécurité
Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 17 avril 1991 Cassation.

N° de pourvoi : 89-17993N° de pourvoi : 89-43770N° de pourvoi : 89-43767
Vu la connexité, joint les pourvois n°s 89-17.993, 89-43.767, 89-43.768, 89-43.769, 89-43.770 ;

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 236-1 et suivants du Code du travail ;
Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes par suite d'être juridiquement reconnus et protégés ;
Attendu qu'à la suite d'un accident mortel du travail survenu à la société Solmer, devenue depuis la société Sollac, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'entreprise s'est réuni pour désigner un expert en application de l'article L. 236-9 du Code du travail ; qu'un accord n'ayant pu être réalisé avec l'employeur sur le nom de cet expert, la société a assigné devant le tribunal de grande instance statuant en référé tous les membres du CHSCT afin qu'un expert soit contradictoirement désigné ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'irrecevabilité de cette action soulevée par les défendeurs l'arrêt attaqué, après avoir retenu que le CHSCT n'était pas doté de la personnalité civile a estimé que la société n'avait pas à assigner cet organisme " en la personne de son représentant " et que son action dirigée contre les membres du CHSCT était parfaitement régulière ;

Qu'en statuant ainsi alors que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués par les articles L. 236-1 et suivants du Code du travail ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de travail et sont dotés, dans ce but, d'une possibilité d'expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 1991 V N° 206 p. 125
Semaine juridique, Edition de l'entreprise, 1991-11-28, n° 229, note H. BLAISE.