Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 17 mars 2015
N° de pourvoi: 13-87358
Publié au bulletin

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Zeyad X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 20 septembre 2013, qui, pour apologie de crimes, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 25 septembre 2012, la directrice d'une école maternelle de Sorgues (Vaucluse) a constaté, en rhabillant l'enfant Z... Y..., né le 11 septembre 2009, qu'il portait un tee-shirt avec les inscriptions suivantes : " Z..., né le 11 septembre ", et : " Je suis une bombe " ;
qu'ayant relevé, dans ces mentions, une référence aux attentats terroristes commis à New York le 11 septembre 2001, elle a signalé ces faits à l'inspection académique ; que, dans le même temps, le maire de la commune a saisi le procureur de la République ;
qu'il a été établi lors de l'enquête ordonnée par ce magistrat que ce vêtement avait été offert à l'enfant par son oncle maternel, M. Zeyad X..., à l'occasion de son anniversaire ; que M. X... et Mme Bouchra X..., mère de l'enfant, ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef d'apologie de crimes d'atteintes volontaires à la vie, au visa de l'article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 ; que le tribunal les ayant relaxés, le ministère public et la ville de Sorgues, constituée partie civile, ont relevé appel du jugement ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris, l'arrêt retient, notamment, que les différentes mentions inscrites de part et d'autre du vêtement, ne peuvent être dissociées, s'agissant d'un unique support, et que l'association délibérée de ces termes, alors qu'aucune référence n'est faite à l'année de naissance de l'enfant, renvoie, pour toute personne qui en prend connaissance, au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001 ;
que les juges ajoutent, en ce qui concerne M. X..., que la commande qu'il avait passée des inscriptions devant figurer sur ce tee-shirt, son insistance auprès de la mère de l'enfant pour qu'elle en revête celui-ci lorsqu'elle l'enverrait à l'école, lieu public par destination, traduisent sa volonté, non de faire une plaisanterie, comme il le soutient, mais de présenter sous un jour favorable les crimes évoqués, auprès des personnes qui, dans l'enceinte de l'établissement scolaire, seraient amenées à voir ce vêtement ;
qu'ils en concluent que les faits reprochés au prévenu, qui ont dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression, au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que M. X... a utilisé un très jeune enfant comme support d'un jugement bienveillant sur des actes criminels, caractérisent le délit d'apologie de crime visé par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui, analysant le contexte dans lequel les mentions incriminées ont été imprimées et rendues publiques, a exactement apprécié leur sens et leur portée, et qui a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

(...)

Vu l'article 2 du code de procédure pénale ;

Attendu que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;

Attendu que, pour dire recevable la constitution de partie civile de la commune de Sorgues et condamner M. X... à lui verser des dommages-intérêts, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délit d'apologie de crime dont elle a déclaré le prévenu coupable ne pouvait occasionner pour la commune un préjudice personnel et direct né de l'infraction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE