UNIVERSITE DE Rennes I
Faculté de Droit et de science politique
Année Universitaire 2014-2015

DROIT DES PERSONNES
Mme WESTER-OUISSE

Durée : 3 h
Semestre 1
1re session
1e année LICENCE de Droit

Document autorisé : Code civil
sans annotation

Sujet : (Commentaire d’arrêt )

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 20 mars 2014
N° de pourvoi: 13-16829
Publié au bulletin
Cassation partielle
Sur le moyen unique :
Vu l'article 9 du code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 décembre 2009, M. X..., imitateur, dans le contexte de la chronique satirique qu'il anime quotidiennement de 8 heures 45 à 8 heures 55 sur les ondes de la station de radio dite RTL, a contrefait la voix d'une petite fille, dans le dialogue suivant : «- Cette semaine dans l'école des fans Philippe Y... recevait une nouvelle candidate, une charmante petite fille, bonjour comment tu t'appelles ??- Mathilde.- Et tu es fan de qui Mathilde ?- De mon papy.- De ton papy, il est gentil ton papy ?- Oui il est très gentil, n'est-ce pas, il me chante des chansons euh pour m'endormir le soir.- Des chansons, pas mal, pas mal, tu peux nous en chanter une Mathilde ?- J'ose pas, n'est ce pas.?- Tu es timide mais fais comme s'il n'y avait personne, chante juste pour moi, allez.- Il court il court le führer, le führer du bois mesdames - Barbie tu dors ; Jean Moulin, Jean Moulin va trop vite
- Bravo Mathilde, tu chantes très bien et il est venu avec toi ton papy ?- Oui, vous voyez il est là-bas, n'est-ce pas.?- Ah c'est le Monsieur qui tend le bras pour te saluer ?- Tu es bête, n'est-ce pas, c'est pas pour te dire bonjour qu'il fait ça, mon papy, c'est pour saluer ses amis, n'est-ce pas.?- A côté de lui, la dame blonde c'est ta maman ?- Oui, n'est ce pas, c'est ma maman. Et comment elle s'appelle ta maman ?- Marine.- C'est joli Marine, qu'est ce que tu voudrais garder comme cadeaux Mathilde ?- Un coucou suisse, on aime beaucoup les suisses avec mon papy, n'est ce pas, mais attention, un vrai coucou, pas celui avec le minaret et le médecin qui sort pour chanter.- Pas mal, pas mal. » ; que Mme Z... et M. B..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille, Mathilde B...-Z..., née le 7 avril 1999, ainsi que M. Z..., ci-après les consorts Z..., ont assigné en dommages-intérêts M. X... et la Société pour l'édition radiophonique Ediradio, ayant pour nom commercial RTL, pour atteinte portée à leur vie privée ;

Attendu que, pour débouter les consorts Z..., l'arrêt relève, par motifs propres ou adoptés, que les propos litigieux ont été tenus en direct dans un sketch radiophonique par un imitateur humoriste, que la scène est purement imaginaire, caricaturale, aucune confusion n'étant possible pour les auditeurs avec une émission d'information, que le recours à l'enfant n'était qu'une façon, pour l'humoriste, de brocarder M. Z..., alors président du Front national, qu'il appartient au juge de concilier la liberté de l'information avec le droit de chacun au respect de sa vie privée, que l'homme politique doit faire preuve d'une grande tolérance, d'autant plus lorsqu'il est connu pour ses positions polémiques, qu'en l'espèce M. X... s'est livré, certes en des termes outranciers et provocateurs, dans « la chronique de Laurent X... », émission à vocation comique et parodique, à une satire humoristique et caricaturale exclusive d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, que, pour singulier que soit le choix opéré par M. X... d'utiliser la figure symbolique d'une petite-fille pour faire rire de son grand-père, homme politique, la convention de lecture inhérente à un sketch de cette nature comme la recherche d'un effet comique résultant de l'invraisemblance de la scène excluent toute atteinte à la vie privée de l'enfant, la voix utilisée n'étant pas la sienne, mais celle de M. X... et aucune information n'étant livrée sur son compte, autre que son prénom et son âge approximatif, toutes choses qui, comme son ascendance, relèvent de l'état civil, que le caractère imaginaire manifeste fait que ni les sentiments supposés de l'enfant ni le type de relations qu'elle entretient avec son grand-père ou ce dernier avec elle ne se trouvent révélés au public ;

Qu'en statuant ainsi, quand le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale s'oppose à ce que l'animateur d'une émission radiophonique, même à dessein satirique, utilise la personne de l'enfant et exploite sa filiation pour lui faire tenir des propos imaginaires et caricaturaux à l'encontre de son grand-père ou de sa mère, fussent-ils l'un et l'autre des personnalités notoires et dès lors légitimement exposées à la libre critique et à la caricature incisive, l'arrêt, qui relève que, si les noms de B... et de Z... n'étaient pas cités, l'enfant était identifiable en raison de la référence à son âge, à son prénom exact, à celui de sa mère Marine et d'un tic de langage de son grand-père, la cour d'appel, méconnaissant les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE